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Isabelle de Castille épouse Ferdinand, roi d'Aragon, comte de Barcelone |
C’était fin 1992, à Bratislava.
Vaclav Havel, le Président de ce qui était encore la
Tchéco-slovaquie effectuait sa dernière et ultime visite pour tenter d’empêcher
la scission du pays.
Fin 1989, la « Révolution de velours »avait mis fin
à 40 ans de dictature communiste, et l’avenir semblait radieux pour le pays qui
se transforma en « République fédérale tchèque et slovaque ».
Mais, deux ans plus tard, le parti d’un ancien responsable
communiste Vladimir Meciar arrive en tête des élections régionales. Certes il
n’a pas la majorité des voix, mais
avec 35 % des suffrages, il peut gouverner. Il décide de demander et de
proclamer l’indépendance. Sans référendum, qu’il aurait sans doute perdu.
De la part de Meciar, il y a sans doute plus de calculs
politiques personnels qu’une vraie revendication nationaliste: Il n’apprécie
guère le changement venu de Prague, et puis ne vaut-il pas mieux être le
premier à Bratislava que le second à Prague. On sait cela depuis les
romains !
Vaclav Havel eut beau rappeler que ce qui séparait slovaques
et tchèques était moins important que ce qui les rapprochait. Au conseil
des ministres du gouvernement fédéral
à Prague, chacun parlait sa langue et tout le monde se comprenait. Et il
ne servit à rien de rappeler que le général Stefanik, co-fondateur de la
Tchécoslovaquie était slovaque. Comme Dubcek, le héros du bref Printemps de
Prague, en 1968.
Vladimir Meciar joua la carte de la dignité nationale
slovaque outragée, de l’insupportable tutelle tchèque et de l’arrogance de
Prague.
Ce soir-là, dans sa voiture qui le ramenait au château qui
était encore la résidence officielle du Président fédéral à Bratislava, Vaclav
Havel était fatigué. Son cortège venait une nouvelle fois d’être arrêté par des
manifestants agressifs et violents, il avait une nouvelle fois tenté de
discuter, de dialoguer, mais en vain. Remontant dans sa voiture, alors que le
soir tombait, il nous dit d’une voix lasse ; « Voilà, nous allons nous séparer. C’est idiot, nous avons tellement de
choses en commun. Mais que faire ? Nous n’allons pas nous battre. Le
divorce se fera à l’amiable mais avec tristesse. Vous feriez mieux de vous
inquiéter de ce qui va se passer en Yougoslavie. Là l’explosion risque d’être
violente »
Quelques mois plus tard, le 1er janvier 1993, la Slovaquie
devenait indépendante. Et pour la Yougoslavie, on sait à quel point Vaclav
Havel avait vu juste.
Et aujourd’hui ? Eh ! bien contre toute prévision,
la petite Slovaquie, moins riche, moins « attractive » a priori
que la riche « Tchéquie » et sa belle capitale, Prague, est un modèle
de réussite avec une économie florissante. A l’opposé, la Tchéquie semble stagner.
Finalement le pire ne s’est pas produit pour la Slovaquie.
Il y a beaucoup de similitudes, même si comparaison n’est
pas raison, avec la situation actuelle en Catalogne. Avec notamment un courant
indépendantiste qui mélange de réelles revendications culturelles avec beaucoup
d’opportunisme et de calculs politiques, ainsi qu’une dose de populisme et
d’égoïsme, voire même de xénophobie.
La Catalogne a déjà obtenu une très large autonomie. Depuis
30 ans pour donner une majorité aux Cortes de Madrid, il faut souvent l’appui
des députés de la Catalogne et/ou du Pays Basque, qui donc à chaque fois, ont monnayé
leur appui contre plus de pouvoirs autonomes.
Sur le plan linguistique par exemple, le gouvernement
catalan mène ce qu’il appelle la politique « d’immersion linguistique » qui impose le catalan comme seule
langue d’enseignement, cela même si vos parents ne sont pas catalans, ce qui
est le cas d’un quart des habitants de Catalogne. Pour les nationalistes, il s’agit
de « corriger positivement une
situation historique d’inégalité face au castillan ». Un résultat qui
conduit à des situations parfois absurdes où des enfants de familles
originaires du reste de l’Espagne n’ont pas le droit à des cours de remise à
niveau en « Castillan », ce que nous appelons nous, « l’espagnol ».
En fait se manifeste aussi parmi ces votes indépendantistes
catalans ce même égoïsme que l’on retrouve chez certains italiens du nord, ou certains flamands :
« Nous sommes la province la plus
riche, nous ne voulons pas payer pour les autres ».
En oubliant un peu vite , que les industriels catalans, ceux
qui ont leur loges de « socios »
au Barça, et qui vont fumer le cigare
dans des clubs aussi sélects qu’à Londres, ont été bien contents pendant des
décennies d’exploiter une main d’œuvre bon marché venue d’Andalousie ou d’Estrémadure.
Comment calculer ce que la richesse de la Catalogne doit au reste des
espagnols ?
Et puis comment démêler la Catalogne du reste de l’Espagne,
alors que l’Espagne moderne est justement née d’une reconquête venue des
provinces du nord, Pays Basque, Asturies, Navarre, Aragon, et Catalogne. Ce
sont les comtes de Barcelone qui sont devenus Rois d’Aragon, il y a près de
1000 ans. Et c’est bien l’alliance entre ce Royaume d’Aragon, comprenant le
comté de Barcelone, avec le royaume de Castille qui a fondé l’Espagne
moderne il y a 500 ans. Le symbole de cette Espagne moderne en étant ces fameux
« Rois catholiques »: Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon.
Comment démêler les fils d’une culture catalane qui
s’exprime aussi en castillan ? Jeter aux orties ce bilinguisme de fait,
avec ces journaux comme la Vanguardia, le grand quotidien de Barcelone ? Avec ces
intellectuels, ces écrivains.
Faudra-t-il que Manuel Vazquez Montalban réécrive ses
romans en catalan pour donner plus
de catalanité à son héros Pepe Carvalho * ? Ils sont encore nombreux, même
s’ils ne sont pas les plus bruyants, à apprécier leur double culture, à
apprécier le fait de partager une langue mondiale, le castillan – espagnol, et
d’exprimer la crainte qu’à l’avenir la Catalogne ne s’enferme dans une« cultureta », une petite culture
refermée sur elle-même.
Mais comme en Slovaquie, peut-être que le divorce catalan ne
se fera pas, ou s’il se fait, qu’il ne sera pas une catastrophe. Mais ce sera
quand même triste pour tous ceux qui aiment l’Espagne, avec ses diversités, ses variantes, ses
contradictions.
Et ce n’est certainement pas un bon signal pour l’Europe, dont
l’un des principes avaient été justement de surmonter les petits égoïsmes
nationaux pour le bien commun. La solidarité, n’est-ce pas cela qui cimente
notre « vivre ensemble « ?
Nous vivons une e-poque formidable.
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*Pepe Carvalho est un
personnage de fiction créé par l'écrivain Manuel Vázquez Montalbán. Ancien
policier, après une vie politique assez tourmentée, il devient détective privé
à Barcelone. Et ses enquêtes sont ponctuées par des pauses gastronomiques, où
il se mijote des recettes catalanes avec ses copains des quartiers populaires
de Barcelone. Plus catalan que lui, tu meurs, et pourtant, c’est écrit et
décrit en langue castillane.
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