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dimanche 17 juillet 2016

Radicalisation express ou tueur amok ?


On peut se suicider avec 166 personnes sans être pour autant radicalisé islamiste

Depuis 24 heures, un nouveau concept est apparu, repris en boucle par la plupart des journalistes, notamment des chaînes info. La radicalisation express.
D’où vient ce concept ? D’une déclaration du ministre de l’intérieur, qui, si on la lit bien, est surtout pleine de circonvolutions et de conditionnels: «  Il semble que l’auteur se soit radicalisé très rapidement ». C’est ce qui ressortirait des déclarations d’une des personnes interrogées dans son entourage.
Il était temps parce que jusque là, ce qui frappait, c’était surtout le décalage entre les premières déclarations du Président de la République et du Premier Ministre. "C'est un terroriste, sans doute lié à l'islamisme radical d'une manière ou d'une autre" et celles du ministre de l’intérieur, du ministre de la justice, du Procureur de la République, qui beaucoup plus prudents, soulignaient qu’il n’avait jamais été fiché S, qu’il ne fréquentait pas des milieux radicaux, qu’il ne pratiquait pas, etc...
Mais l’heure n’est pas à la prudence, elle est à la pensée unique. La pensée unique aujourd‘hui ce n’est plus l’esprit soixante-huitard, le laxisme et le « boboisme », non, c’est l’obsession du radicalisme islamique. Nous voyons des barbus partout, et quand ils ne sont pas barbus, ils se dissimulent, et quand ils ne dissimulent pas, ils pourraient le faire. 
Comme un seul homme, nous reprenons sans discernement les mêmes rengaines. Sur les chaînes info les « experts » police justice ou terrorisme extrapolent, supputent, tordent les faits pour qu’ils collent à leurs explications. Un véritable terrorisme intellectuel.
Les experts qui par malheur formulent des analyses qui ne sont pas dans le politiquement correct actuel, ne sont plus réinvités, ne sont plus entendus. Comme Elyamine Settoul, sociologue à l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire, Anne Giudicelli du cabinet Terrorisc ou encore tous ceux qui suggèrent «  techniquement c’est un attentat, mais l’auteur était-il pour autant un terroriste radicalisé ». Pénible de voir comment les journalistes d’une chaîne info, qui interrogaient Farad Koroshkavar , un sociologue « spécialiste des phénomènes de radicalisation » voulaient absolument lui faire dire ce qu’il ne voulait pas dire, alors qu’il leur répétait « cela me paraît malsain de parler dans ce cas de radicalisation islamique ». « Cela relève plutôt de la psychiatrie ». Ou encore le juge Trevidic, habituellement si souvent invité : "Nous sommes face à un fou soutenu par une idéologie. C'est hélas indétectable. Aucune loi ne peut empêcher ça"
Certains « experts » parmi ceux qui défilent depuis l’horreur de Nice, nous disent: Quand on veut se suicider, on ne prend pas un camion pour écraser un maximum de piétons. Est-ce si sûr ? En mars 2015, le co-pilote de l’Airbus de Germanwings avait précipité son avion sur une montagne de Haute-Provence entraînant avec lui dans la mort les 166 occupants de l’avion. Une motivation politique ? S’était-il radicalisé ? Non, il avait pété les plombs. La presse allemande avait utilisé le mot de « pilote Amok ». D’après le terme Amok, popularisé par une des nouvelles les plus sombres du (très) grand écrivain autrichien Stefan Zweig. « Amokläufer », « le coureur amok » ; en français, « Amok ou le fou de Malaisie ». L’histoire : Sur le pont d’un paquebot qui revient de Java, un médecin raconte la folie meurtrière qui le consume, une folie que l’on trouve souvent dans la culture malaise, mais aussi dans beaucoup de cultures asiatiques, de l’Inde jusqu’à la Polynésie, et qui est appelée là-bas : Amok. L'amok est « le fait d'une personne agissant seule. C'est un accès subit de violence meurtrière qui prend fin par la mise à mort de l'individu après que ce dernier a lui-même atteint un nombre plus ou moins considérable de personnes ». Ce phénomène est très largement documenté chez les allemands, chez les anglo-saxons. Mais pas chez nous.
Car nous voulons des explications, des responsables, des coupables. Tous ces morts ne peuvent pas l’être pour rien. Sans attendre le résultat de l‘enquête, les yaka fokon sont en action ; Yaka expulser tous les « fichés S », Fokon ferme toutes mosquées salafistes. Sauf qu’apparemment la principale addiction de l’assassin de Nice semble avoir été la muscu et la gonflette. Un signe de « radicalisation cachée» ? A ce rythme-là, c’est bientôt Cristiano Ronaldo qui deviendra suspect d’être un sous-marin de Daesh. Et puis, à force de voir des barbus partout, il y a des barbus partout. A force de croire que tout est explicable par la main armée de Daesh, Daesh est derrière tous les crimes qui nous endeuillent. Les terroristes intégristes n’ont même plus besoin de faire leur marketing, nous nous en chargeons pour eux.
Cela permettra de ne pas répondre finalement à la seule question qui vaille et qui est la plus gênante: Comment, en plein état d’urgence, le soir du 14 juillet, un camion de 19 tonnes a pu entrer à minuit dans une zone sécurisée, au milieu de 100 000 personnes ?

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