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jeudi 31 août 2017

Faut-il brûler le Franc (CFA ) ?

Le Franc CFA symbole du néocolonialisme français ? 

C’est une affaire qui fait grand bruit en Afrique, ou du moins en Afrique francophone. 
Le 19 août dernier, Kémi Seba, souvent présenté comme un « polémiste » franco-béninois, a brûlé en public un billet de 5000 Francs CFA ( pas de panique, cela représente moins de 8 euros). Il a été arrêté et jugé en flagrant délit par un Tribunal de Dakar. Quel délit ? En France, contrairement à une idée reçue, brûler un billet de banque n’est pas, n’est plus un délit. Mais beaucoup ont encore en tête Serge Gainsbourg en 1984 brûlant un billet sur le plateau de TF1 pour montrer que chaque fois qu’il gagnait 500 Francs, le fisc lui en prenait la moitié.
Mais le Sénégal n’est pas la France, et curieusement, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest est apparemment moins souple. L’incendiaire a été relaxé, mais qu’importe : Il a fait le buzz autour de son combat contre le néo-colonialisme français, symbolisé selon lui par le maintien du Franc CFA, cette monnaie commune, créée au moment des indépendances de l’Afrique francophone.
Dans sa lutte qu’il compare à celle de Rosa Parks au temps de la ségrégation aux Etats-Unis – excusez du peu, il faudrait peut-être lui rappeler le sort des noirs pendus aux branches des arbres par le Ku Klux Klan -  il a été soutenu par de nombreuses personnalités, journalistes, artistes, comme le chanteur Alpha Blondy.
Il surfe ainsi sur une accusation de plus en populaire en Afrique de l’Ouest : Le Franc CFA maintient une situation de domination coloniale, et la Banque de France qui garantit la stabilité et la convertibilité du Franc, se ferait ainsi payer une sorte d’impôt colonial. C’est faux, mais cela a l’apparence d’une vérité, ne serait-ce qu’à cause du nom de cette monnaie qui renvoie à l’histoire coloniale.
Personne à Paris ni à la Banque de France, ni à l’Elysée ne défendra un instant le Franc CFA. Le nouveau Président l’a annoncé: La Françafrique ne rapporte rien à notre pays, si ce n’est des problèmes qui handicapent l’établissement de relations décomplexées entre nos pays. Ce n’est pas cela qui permettra à Bolloré ou à Orange de remporter plus de contrats face aux entreprises chinoises, américaines ou marocaines.
En revanche, faire du Franc CFA la source de tous les maux africains a l’avantage d’éviter que l’on pose des questions compliquées:
Chacun de ces pays doit-il avoir sa propre monnaie ? Quelle doit être la politique monétaire du Sénégal ou de la Côte d’Ivoire ? Quid de l‘indépendance monétaire réelle pour des pays moins dynamiques comme le Burkina ou le Mali ? Quel est le « bon » niveau du Franc CFA ? Est-il trop cher ? Sa stabilité est-elle un avantage ou bien un handicap pour le développement ?
Quand on voit les errements de certains pays d’Amérique Latine de l’Argentine au Venezuela en passant par le Brésil, on peut craindre que l’instabilité monétaire, l’utilisation de la planche à billets, l’hyperinflation, ne pénalisent d’abord les plus pauvres, les plus riches plaçant eux leur argent en dollars ou en euros à Miami ou dans les Iles Vierges. Sans parler du Congo Kinshasa, dont le Franc, autrefois Zaïre, qui n’est lié ni au Franc CFA, ni à la Banque de France, s’effondre face au dollar, alors que l’inflation explose. On estime que les congolais ont perdu 20 % de leur pouvoir d’achat en un an.
Mais il y a une question encore plus gênante qui n’est pas posée par le billet brûlé: Quelle est la responsabilité des dirigeants africains dans l’explosion de la pauvreté et des inégalités dans leurs pays alors même que certains de ces pays connaissent des taux de croissance spectaculaires ?


PS : Et puis pour rappeler aux combattants anti-colonialistes d’aujourd’hui ce qu’était l’Amérique de Rosa Parks, on peut réécouter « Strange Fruits » de Billy Holliday repris récemment par Kanye West dans « New Slaves » et dont le refrain dit : I see blood on the leaves ; Je vois le sang des noirs pendus aux branches des arbres qui coule sur les feuilles.

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