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mardi 26 octobre 2010

La retraite à 60 ans, la mort à 70…

Dans les campagnes du Japon ancien, c’est-à-dire d’avant l’Ere Meiji et l’entrée du Japon dans la modernisation, existait une coutume qui imposait aux vieux lorsqu’ils atteignaient 70 ans de quitter leur famille et leur village pour aller mourir au sommet des montagnes. C’est ce que raconte le superbe film d’Imamura « La ballade de Nayarama », où un fils est obligé de conduire sa mère à la mort alors que celle-ci a toujours, littéralement, toutes ses dents. Mais c’était la loi…
Aujourd’hui, bien sûr, rien de tout ça au Japon. Après 150 ans d’une formidable croissance, qui n’a pas été seulement qu’un long fleuve tranquille, le Japon est un pays riche et moderne. Et les plus de 70 ans ne sont plus abandonnés au sommet des montagnes. Non, ils sont seulement condamnés à compléter leur retraites, insuffisantes pour leur permettre de vivre décemment, en travaillant comme livreurs ou serveurs. Plus nombreux aujourd’hui que les moins de 20 ans, ils représentent une telle charge pour la population active que celle-ci ne peut plus payer les retraites des plus âgés. Car parallèlement à sa formidable croissance économique après la seconde guerre mondiale, le Japon ne s’est pas préoccupé du renouvellement des générations. Son évolution démographique est une sorte de « crash course » de notre propre évolution annonçant ce qui nous attend. Ce vieillissement explique d’ailleurs pour une bonne part la stagnation de laquelle le Japon n’arrive pas à sortir depuis vingt ans. Un formidable moteur, mais qui paraît n’avoir plus de carburant et dont la population va progressivement décroître au milieu de ses autoroutes et de ses robots…
Chez nous, les étudiants de 20 ans qui manifestent « pour la retraite à 60 ans » ont raison, mais pour de mauvaises raisons. Eux qui vont prendre leur retraite dans 40 ans (50 ans ?) risquent fort d’être conduits sur nos montagnes pour ne plus être une charge pour les actifs, qui quoiqu’on fasse, seront moins nombreux qu’aujourd’hui.
A moins que…
A moins que ne change notre rapport au travail, à moins que l’on reconsidère la place des plus de 60 ans dans le monde du travail, donc aussi les conditions du travail tout au long de la vie, la pénibilité, le temps partiel, les passerelles entre l’activité professionnelle et la formation tout au long de la vie, à moins que nous ne fassions disparaître l’idée même de retraite, que celle-ci ne soit plus un couperet. 
«Retraite »: Le mot que nous utilisons en français en dit d’ailleurs long sur la manière dont nous envisageons collectivement le troisième, voire le quatrième âge. C’est le même que celui utilisé pour parler d’une défaite militaire: La retraite de Russie… Après le travail, il n’y aurait donc plus qu’une défaite, celle de la vie.
« Devant l’image que les vieilles gens nous proposent de notre avenir, nous demeurons incrédules ; une voix en nous murmure absurdement que ça ne nous arrivera pas : ce ne sera plus nous quand ça arrivera. (…)
Cessons de tricher ; le sens de notre vie est en question dans l’avenir qui nous attend ; nous ne savons pas qui nous sommes, si nous ignorons qui nous serons : ce vieil homme, cette vieille femme, reconnaissons-nous en eux. Il le faut si nous voulons assumer dans sa totalité notre condition humaine. Du coup, nous n’accepterons plus avec indifférence le malheur du dernier âge, nous nous sentirons concernés : nous le sommes.» (Simone Beauvoir. La vieillesse) 
C’est de tout cela dont nos partis politiques, nos dirigeants d’entreprises devraient discuter, et vite car le temps de l’évolution démographique presse.
Nous vivons une e-poque formidable.

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