"Jinetaras": Prostituées sur une plage à Cuba |
Le blocus imposé depuis plus de 50 ans par les Etats-Unis à
Cuba était, est évidemment stupide, héritage d’une autre époque, inspirée par
l’obsession anti-communiste des Etats-Unis, par leur volonté de contrôler tout
ce qui se passait dans leur « backyard », dans leur sphère, et qui a
conduit au soutien à des dictatures comme Somoza au Nicaragua, à la participation
au renversement d’Allende au Chili, mais aussi par la haine entretenue par des
groupuscules d’exilés cubains anticastristes de Floride.
L’annonce d’une possible
éventuelle normalisation des relations entre les Etats-Unis et Cuba est
donc d’abord l’annonce de la fin d’une situation totalement anachronique et
hypocrite. Comme l’ont été récemment les condamnations au nom de cet embargo de
certaines banques, dont BNP Paribas, lourdement sanctionnées, pour avoir
commercé en dollars entre autres, avec l’île bannie.
C’est aussi une bonne nouvelle pour beaucoup de cubains, qui
espèrent que cela leur ouvrira des perspectives d’amélioration de leur vie
quotidienne. Qui espèrent, et
espérons avec eux: Car ce que sont vraiment Cuba et le régime castriste, ne
correspond pas aux clichés exotiques que nous diffusons.
Fidel Castro a réussi à mythifier sa révolution. Beaucoup
d’entre nous, y compris les confrères qui commentent aujourd’hui cette annonce,
font preuve d’une complaisance et d’une ignorance coupables. Ah ! bien
sûr : Aller faire la révolution dans les années 1960 ou 70 à la Havane, c’était
quand même plus sympa - salsa, mojito, plages et petites pépés - que
d’aller voir les défilés sur la Place Rouge ou à Berlin-Est. Cuba est non
seulement le plus grand, mais sans doute la plus belle des îles de la Caraïbe.
Et le peuple cubain est tout sauf introverti, utilisant d’ailleurs les traits
d’esprit et l’humour pour surmonter les difficultés de sa vie quotidienne. Cuba
a tout, les paysages, la culture, la population, pour devenir la destination
n°1 du tourisme mondial !
Mais, non, le blocus n’est pas la seule raison de la
faillite économique cubaine. Cette faillite a été programmée dés le début, par
des mesures de nationalisation, d’expropriation, d’orientations économiques
catastrophiques. Et l’instauration d’une dictature, de plus en plus organisée
autour d’une famille, d’un clan. Celui de Fidel Castro. Rappelons que Castro est
tout sauf un enfant du peuple, mais le fils d’un grand propriétaire terrien,
blanc, originaire d’ailleurs de la même région que le dictateur espagnol Franco,
la Galice, et élevé chez les bons pères !
La « geste » castriste a noirci la situation de
Cuba d’avant la Révolution. Plus Cuba d’avant Castro est présentée comme un
pays sous-développé, une dictature sanguinaire, plus la révolution devient
admirable.
Or Cuba d’avant Castro n’était pas Haïti sous Duvalier.
On oublie de dire que le dictateur Batista, avant de devenir
dictateur avait été le premier Président « non blanc » élu à Cuba, le
premier à introduire en 1940 une Constitution démocratique, le salaire minimum,
un système de retraite, et à faire entrer les communistes dans son gouvernement
de coalition ! D’où l’opposition farouche des classes aisées cubaines
parce qu’il était un réformateur et surtout un mulâtre: Quel scandale dans ce
pays qui a été avec le Brésil, le dernier d’Amérique à abolir l’esclavage: 1886…
Il faut rappeler que pendant longtemps, pour ces raisons, le Parti communiste
cubain a été réservé à l’égard de Castro.
Dans les premières années de la révolution, ce ne sont pas
seulement des riches propriétaires et des mafieux corrompus qui sont partis en
exil, mais tous ceux qui faisaient la richesse de Cuba : Médecins,
ingénieurs, commerçants, les classes moyennes.
Car on oublie de rappeler que Cuba dans les années 50 était
le pays le plus développé d’Amérique latine, celui où le niveau d’éducation, de
santé était le plus élevé. En 1958, le taux de mortalité infantile est le 13e
plus faible de la planète et les Cubains ont l'une des espérances de vie les
plus élevées. 22 % de la population est analphabète, alors que le taux
mondial est de 44 %.
Bien sûr, les inégalités sont énormes, notamment entre les
campagnes et les villes, comme la corruption, mais moins qu’au Brésil ou au
Mexique !
Avant 1959, il y avait 129 magazines, 58 quotidiens,
certains très libres, qui n’hésitaient pas à publier les déclarations de Castro
au cours de son procès après son attaque ratée contre la caserne de la Moncada,
et notamment le fameux : « L’Histoire
m’acquittera ». Il fût d’ailleurs gracié par Batista deux ans après.
Ou bien encore comme « Libertad », qui publiait en première page, des
photos des opposants torturés ou tués sous le second gouvernement Batista,
seconde période, celle de la dictature.
Les journalistes ont dû partir, comme beaucoup d’artistes. Car
la musique populaire cubaine, aujourd’hui portée aux nues, fût d’abord pourchassée
par la révolution, qui l’estimait trop liée aux boîtes de nuit et autres lieux
de décadence ! On connaît ce mot de l’icône de la Salsa, Celia Cruz :
« Avec moi, c’est le
« son » (la musique cubaine), qui quitte Cuba ». Celia Cruz
n’a jamais pu retourner à Cuba, même pour l’enterrement de sa mère…
Dans les années 1980, nouvelle vague d’émigration, les
« marielitos ». Et là non plus ce ne sont pas des privilégiés qui
sont partis, mais les enfants de la révolution, des forces vives du pays,
fuyant l’absence de perspectives de développement et de changement, des
opposants politiques, des homosexuels très réprimés, auxquels le régime a
rajouté aussi quelques repris de justice afin de vider les prisons.
On dit que sous Batista, Cuba était le repaire des mafieux.
C’est vrai, mais aujourd’hui, elle est déjà redevenue une plateforme de transit
pour des trafics en tout genre, et notamment la drogue. Comme l’ont prouvé
d’ailleurs certains scandale qui ont mouillé de grandes figures du régime,
comme le général Ochoa, fusillé en 1989. Quant à la prostitution, femme ou
homme, il suffit de voir ce qui se passe un peu partout près des hôtels ou sur
les plages. « Jineteras » et « pingueros »,
prostituées et prostitués arpentent toutes les zones touristiques. Sans doute
plus nombreux que sous Batista, car ce ne sont pas 300 000 touristes qui, comme
à l’époque, vont chaque année à Cuba, mais près de 3 millions !
Aujourd’hui Cuba est dans un tel état de délabrement que
l’ouverture, si elle n’est pas menée de manière raisonnée et démocratique, va
être une catastrophe pour l’immense majorité des cubains restés à Cuba.
Comment vont pouvoir survivre tous ces cubains, enseignants,
médecins, infirmières ? Ils gagnent 50 dollars par mois. Alors que ceux
qui « trafiquent », ou qui se prostituent, peuvent se faire autant en
une soirée… Pourquoi passe-t-on sous silence le désespoir de ces médecins
formés comme chez nous, qui savent ce qu’il faut faire face à telle ou telle
maladie, mais n’ont aucun équipement, aucun médicament, à moins de le faire
venir par des voies détournées, des envois de proches, d’amis vivant à
l’étranger. Oui, officiellement, la santé est gratuite, mais il vaut mieux
avoir un fils à l’étranger !
Comment les cubains qui sont restés à Cuba et qui n’ont
aucun moyen financier, vont pouvoir résister au « retour » des exilés
qui ont réussi, par exemple en Floride, et qui arriveront les poches pleines de
dollars ? Comme en pays conquis. Quand on voit ce qui s’est passée dans
l’ancienne RDA, après la réunification, où pourtant avait été mis en place un
cadre légal pour éviter les abus, on imagine facilement ce qui se passera quand
les anciens propriétaires expropriés, spoliés, viendront réclamer leur maison,
leur appartement, leurs terres à ceux qui les occupent depuis un
demi-siècle ?
La question de fond n’est pas le blocus. C’est celui de la
dictature des Castro. Car il n’y aura pas de vrai développement sans
démocratie, sans un gouvernement qui tout en ouvrant le pays au monde
d’aujourd’hui, protégera les intérêts des 11 millions de cubains restés sur l’ile.
On peut être pessimiste, car depuis des siècles, il n’est
pas facile d’être voisin du géant américain : « Si loin de Dieu, si près
des Etats-Unis » dit-on aussi bien au Mexique qu’à Cuba !
Dans un premier temps, l’annonce d’Obama est un coup
politique, médiatique. Un cadeau pour les Castro.
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