Gaston Flosse face aux journalistes le 27 mars dernier |
On peut prendre des tas d’images
pour qualifier l’homme fort de la Polynésie: « Insubmersible» « Incassable » « Le phénix qui renaît de ses cendres ».
Ou « la tortue », qui
serait selon le dossier à charge publié récemment par le Monde - Le diable de retour au paradis [1]-
l’animal préféré de Gaston Flosse.
Toutes ces images fonctionnent
car c’est effectivement incroyable, à 81 ans, il est de retour, plus combatif
que jamais, le père de la Polynésie moderne, celui qui a pensé, conçu, mis en
place, fait fonctionner ce pays, vaste comme l’Europe, mais éclaté en une
centaine d’îles au cœur du Pacifique, celui qui a été élu, réélu, sans
discontinuer depuis…1967, à l’Assemblée de Polynésie, celui qui a été également
depuis 1978 député, député européen, secrétaire d’Etat ou aujourd’hui sénateur,
celui qui s’est battu pour faire adopter par une France très centralisatrice le
statut de très large autonomie qui
fait aujourd’hui de la Polynésie un P.O.M, un pays d’outre mer. Trois fois
Président de la Polynésie, renversé il y a 5 ans, Gaston Flosse qui est un RPR
à l’ancienne, un inconditionnel de Jacques Chirac était devenu un pestiféré,
dans son propre camp politique. Nicolas Sarkozy avait décidé de faire passer
l’ancien allié à la trappe au nom de la moralisation de la vie
politique ultramarine. Avec sans doute des arrières-pensées. Comme Gaston Flosse l’expliquait à ses proches : « Avec Sarkozy, avant même que j’ouvre la
bouche, il voit Chirac marqué sur mon front ». Ces dernières années,
il a été poursuivi pour détournements de fonds, emplois fictifs, condamné,
emprisonné, relaxé, en appel etc…, et il a réussi à revenir, et en force. Son
parti a remporté les trois sièges de député aux dernières législatives et le
rouleau compresseur s’est remis en marche, entrainant beaucoup de ceux qui, il
y a quelques mois encore, le croyant à terre, l’avaient trahi et le vouaient
aux gémonies.
Les 21 avril et 5 mai
prochains, les polynésiens vont élire leur nouvelle Assemblée territoriale.
Cette fois-ci le parti qui arrivera en tête, verra son avance confortée par une
prime « majoritaire ». La Polynésie aura sans doute, une majorité, un
gouvernement et un Président stables. Enfin ! Depuis 10 ans pas moins de 10 gouvernements se sont succédés !
On imagine bien qu’en 60 ans de
vie politique et de pouvoir, Gaston Flosse traîne de nombreuses casseroles.
Mais peut-être pas au point d’en faire un ignoble roitelet du Pacifique qui
régnerait seulement par la terreur et le clientélisme. La Polynésie fait partie
intégrante de la République, et même de manière imparfaite, la démocratie, la
justice, la Cour des comptes, la presse, toutes ces institutions fonctionnent.
Et puis ce retour de Gaston
Flosse n’est pas une simple fantaisie tropicale, due à une soit-disant
indolence démocratique des polynésiens. Après avoir essayé toutes les autres
combinaisons, beaucoup de polynésiens se disent qu’avec lui au moins, le pays a
une chance de fonctionner. Il faut le voir débattre pendant près d’une heure et
demi à la télévision en direct avec des journalistes pas forcément aux ordres -
bien au contraire ! - en français et en tahitien, sans notes, connaissant
tous les chiffres, tous les dossiers et ayant une vraie ambition, un projet
pour son pays. Même ceux qui le détestent, lui reconnaissent ces qualités et
admettent qu’il n’a pas d’équivalent, à la fois profondément tahitien et
viscéralement République française.
J’ai travaillé brièvement avec
Gaston Flosse à la Présidence de la Polynésie. Donc ces lignes pourraient
paraître suspectes. Pourtant non. Parce que j’ai eu la chance de le cotoyer
après qu’il ait été battu et ait fait une première traversée du désert, je ne
l’ai pas reconnu dans le portrait qu’en vient de faire Le Monde. Il manque
toute une dimension, celle d’un vrai homme d’Etat, travailleur acharné, avec
une conscience sociale surprenante et une vraie vision de ce que peut être la
Polynésie de demain. A une électrice européenne qui l’apostrophait un jour dans
un bureau de vote à Pirae, sa commune dans la banlieue de Papeete, et qui lui
reprochait très violemment de trahir la France qui lui avait tout donné, il
répondit : « Madame, en
Polynésie, il n’existe personne qui aime plus la France et la République que
moi ». Paris a tort de voir en Flosse un ennemi. Et nous commettrions
une erreur de ne pas voir la chance que constitue ce pays certes si loin de
l’Europe mais auquel nous sommes liés depuis plus de 150 ans et qui se trouve
au cœur du nouveau centre du monde, le Pacifique.
Alors, même si ce n’est sans
doute pas éthique de faire passer en arrière plan les casseroles juridiques, un
retour de Gaston Flosse à la tête de la Polynésie ne serait pas la pire
nouvelle. Il paraît même être le seul capable de, peut-être, stopper la
faillite dans laquelle s’enfonce la Polynésie depuis dix ans.
[1]
« Barbouzes et argent sale, Gaston Flosse, le retour d’un roi » dans
M le supplément du Monde du 23 mars 2013
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