Nuit debout, devant le Parlement de Brasilia: Là, il s'agit vraiment de démocratie... |
Jusqu’à présent le Brésil, c’était foot et samba. Désormais,
c’est aussi Lava jato, l’opération « mains propres » qui semble
devoir emporter l’actuelle Présidente Dilma
Rousseff.
Le Brésil n’est pas un pays anecdotique. Il ne joue
d’ailleurs même plus dans la même catégorie que ses voisins latino-américains:
43 millions d’habitants en Argentine, longtemps le grand rival, 203 millions au
Brésil. C’est le 5 ème pays le plus peuplé au monde, le 5 ème par la
superficie. C’est la 7 ème puissance économique mondiale, et lorsqu’il aura
surmonté la crise actuelle, car il la surmontera, il nous dépassera.
Ce qui s’y passe ces derniers mois est à la dimension de ce
pays continent: Des dizaines de députés, de ministres, de haut fonctionnaires,
de dirigeants de grandes entreprises poursuivis pour corruption et
malversations diverses, mis en examen, voire en prison. Jusqu’à la Présidente
donc, dont on voit mal comment elle va pouvoir éviter d’être destituée.
« Coup d’état »,
crie-t-elle pour se défendre. Un slogan repris par ses partisans, ils sont
nombreux , mais pas les plus nombreux, un slogan répété jusqu’en France par tout
ceux qui, par exemple, continuent à croire qu’au Venezuela, le Président
Maduro, héritier de Hugo Chavez fait la révolution, alors qu’il ruine consciencieusement
son pays. Les mêmes qui décidément cultivent ces vieux clichés exotiques sur
l’Amérique Latine, de ces gauches tropicales, ces nostalgiques de la revolución arrosée au mojito, ou à la cachaça, pour la version « revolução » brésilienne. Des pays finalement incapables
d’accéder durablement à la démocratie, à un fonctionnement durable
d’institutions stables etc, etc…
Or c’est tout le contraire qui est en train de se passer, et
c’est une bonne nouvelle malgré l’actuel chaos de Brasilia à São Paulo, en
passant par Rio et Salvador.
Evidemment le sort réservé à Dilma Rousseff est un peu
injuste, pour ce que l’on sait de son parcours personnel, politique, de son
intégrité. Elle n’a pas empêché que les juges enquêtent, poursuivent des ministres, plusieurs de
ses collaborateurs, de ses amis et alliés politiques. Elle paie les erreurs
commises par d’autres autour d’elle, avant elle. Par exemple, évidemment par son
prédécesseur, son mentor, le charismatique, l’emblématique Lula. Il est décevant de se rendre compte que lui aussi, l’ancien
ouvrier métallo, le syndicaliste courageux du temps de la dictature militaire,
l’idole du petit peuple, que lui aussi en a « croqué ». Et là ce que
révèlent les enquêtes du « petit juge » Sergio Moro, ce que publie la
presse brésilienne, laisse peu de doutes, hélas !
Il est également inquiétant de se rendre compte que le
« miracle des années Lula » avait été construit sur du sable
mouvant, sur beaucoup de démagogie, sur des politiques « sociales » non
financées sur le long terme et que paie aujourd’hui l’économie brésilienne, en
pleine récession, en pleine inflation. Les premières victimes en sont ces
fameuses classes moyennes devenues aujourd’hui majoritaires, grâce justement aux
politiques de croissance, de « bourse familiale », de développement
de l’éducation. Ce poids des classes moyennes est une première dans l’histoire
du Brésil, un pays autrefois construit sur les inégalités et l’exploitation de l‘économie
esclavagiste. Et il est certain, qu’une partie des classes privilégiées brésiliennes
ne digère pas encore le fait de devoir partager leurs privilèges avec des
classes moyennes qui ont envahi leurs plages ou leurs centres commerciaux. Ils
voient dans les ennuis de Dilma Rousseff une occasion de prendre leur revanche.
Mais expliquer ce qui se passe par un complot du grand capital contre un gouvernement
des travailleurs, ne tient pas, tant Lula Président avait flatté les grands
entrepreneurs brésiliens dans le sens du poil et de leurs intérêts.
Les centaines de milliers de brésiliens qui ces derniers
jours partout dans le pays sont la nuit debout , et aussi le jour, le sont pour
la démocratie. Ils suivent les débats au Parlement de Brasilia comme un match
de foot sur des écrans géants installés au milieu des avenues. Apparemment, en
majorité, ils souhaitent que la procédure de destitution de la Présidente, procédure inscrite
dans la Constitution, aille à son terme. Ce ne sont pas seulement des blancs
favorisés, mais en grande majorité ces nouvelles classes moyennes qui n’ont pas
envie d’être déclassées. Elles ont envie et croient dans la démocratie, la
transparence démocratique, une justice indépendante, et surtout, surtout, veulent
en finir avec le vrai mal brésilien, le principal obstacle au développement économique
et social, auquel Lula et son Parti des Travailleurs ne s’étaient pas attaqués:
La corruption, qui fait perdre
tellement d’argent au pays, dans les grands chantiers qui transforment le
Brésil, y compris il y a 2 ans pour la Coupe du Monde de football, y compris pour les Jeux
Olympiques dans quelques semaines. tant d'argent volé dans les grandes entreprises publiques,
comme Petrobras le géant du pétrole brésilien, ou dans tous les rouages de la
vie quotidienne.
Contrairement à cette phrase prêtée à Georges Clémenceau - et qui est une tarte à la crème que l’on
ressort à tout bout de champ : le Brésil est un pays d'avenir et le
restera longtemps -, les brésiliens veulent le changement maintenant.
Et ça, c’est une vraie bonne nouvelle pour le monde entier,
même si les mois qui viennent, risquent d’être plus compliqués qu’un 100 mètres
de Usain Bolt ou qu’un 50 mètres de Manaudou. Au fait, on se demande, s’il y
aura encore un Président au Brésil pour l’ouverture des JO de Rio.
Vivemos numa e-poca
estupenda !
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