On peut se suicider avec 166 personnes sans être pour autant radicalisé islamiste |
Depuis 24 heures, un nouveau concept est apparu, repris en
boucle par la plupart des journalistes, notamment des chaînes info. La radicalisation express.
D’où vient ce concept ? D’une déclaration du ministre
de l’intérieur, qui, si on la lit bien, est surtout pleine de circonvolutions
et de conditionnels: « Il semble
que l’auteur se soit radicalisé très rapidement ». C’est ce qui
ressortirait des déclarations d’une des personnes interrogées dans son
entourage.
Il était temps parce que jusque là, ce qui frappait, c’était
surtout le décalage entre les premières déclarations du Président de la
République et du Premier Ministre. "C'est
un terroriste, sans doute lié à l'islamisme radical d'une manière ou d'une
autre" et celles du ministre de l’intérieur, du ministre de la
justice, du Procureur de la République, qui beaucoup plus prudents, soulignaient
qu’il n’avait jamais été fiché S, qu’il ne fréquentait pas des milieux
radicaux, qu’il ne pratiquait pas, etc...
Mais l’heure n’est pas à la prudence, elle est à la pensée unique.
La pensée unique aujourd‘hui ce n’est plus l’esprit soixante-huitard, le
laxisme et le « boboisme », non, c’est l’obsession du radicalisme
islamique. Nous voyons des barbus partout, et quand ils ne sont pas barbus, ils
se dissimulent, et quand ils ne dissimulent pas, ils pourraient le faire.
Comme un seul homme, nous reprenons sans discernement les
mêmes rengaines. Sur les chaînes info les « experts » police justice
ou terrorisme extrapolent, supputent, tordent les faits pour qu’ils collent à
leurs explications. Un véritable terrorisme intellectuel.
Les experts qui par malheur formulent des analyses qui ne
sont pas dans le politiquement correct actuel, ne sont plus réinvités, ne sont
plus entendus. Comme Elyamine Settoul, sociologue à l’Institut de Recherche Stratégique
de l’Ecole Militaire, Anne Giudicelli du cabinet Terrorisc ou encore tous ceux
qui suggèrent « techniquement c’est
un attentat, mais l’auteur était-il pour autant un terroriste radicalisé ».
Pénible de voir comment les journalistes d’une chaîne info, qui interrogaient Farad
Koroshkavar , un sociologue « spécialiste des phénomènes de
radicalisation » voulaient absolument lui faire dire ce qu’il ne voulait
pas dire, alors qu’il leur répétait « cela
me paraît malsain de parler dans ce cas de radicalisation islamique ».
« Cela relève plutôt de la
psychiatrie ». Ou encore le juge Trevidic, habituellement si souvent
invité : "Nous sommes face à un fou
soutenu par une idéologie. C'est hélas indétectable. Aucune loi ne peut
empêcher ça"
Certains « experts » parmi ceux qui défilent
depuis l’horreur de Nice, nous disent: Quand on veut se suicider, on ne prend
pas un camion pour écraser un maximum de piétons. Est-ce si sûr ? En mars
2015, le co-pilote de l’Airbus de Germanwings avait précipité son avion sur une
montagne de Haute-Provence entraînant avec lui dans la mort les 166 occupants
de l’avion. Une motivation politique ? S’était-il radicalisé ? Non,
il avait pété les plombs. La presse allemande avait utilisé le mot de
« pilote Amok ». D’après le terme Amok, popularisé par une des nouvelles les plus sombres du (très)
grand écrivain autrichien Stefan Zweig. « Amokläufer », « le coureur amok » ; en français,
« Amok ou le fou de Malaisie ».
L’histoire : Sur le pont d’un paquebot qui revient de Java, un médecin
raconte la folie meurtrière qui le consume, une folie que l’on trouve souvent
dans la culture malaise, mais aussi dans beaucoup de cultures asiatiques, de
l’Inde jusqu’à la Polynésie, et qui est appelée là-bas : Amok. L'amok est
« le fait d'une personne agissant
seule. C'est un accès subit de violence meurtrière qui prend fin par la mise à
mort de l'individu après que ce dernier a lui-même atteint un nombre plus ou
moins considérable de personnes ». Ce phénomène est très largement
documenté chez les allemands, chez les anglo-saxons. Mais pas chez nous.
Car nous voulons des explications, des responsables, des
coupables. Tous ces morts ne peuvent pas l’être pour rien. Sans attendre le
résultat de l‘enquête, les yaka fokon sont en action ; Yaka expulser tous
les « fichés S », Fokon ferme toutes mosquées salafistes. Sauf qu’apparemment
la principale addiction de l’assassin de Nice semble avoir été la muscu et la
gonflette. Un signe de « radicalisation cachée» ? A ce
rythme-là, c’est bientôt Cristiano Ronaldo qui deviendra suspect d’être un
sous-marin de Daesh. Et puis, à force de voir des barbus partout, il y a des
barbus partout. A force de croire que tout est explicable par la main armée de
Daesh, Daesh est derrière tous les crimes qui nous endeuillent. Les terroristes
intégristes n’ont même plus besoin de faire leur marketing, nous nous en
chargeons pour eux.
Cela permettra de ne pas répondre finalement à la seule
question qui vaille et qui est la plus gênante: Comment, en plein état d’urgence, le soir du 14 juillet, un camion de
19 tonnes a pu entrer à minuit dans une zone sécurisée, au milieu de 100 000
personnes ?
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