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vendredi 14 avril 2017

Des anciens combattants sénégalais à l'Elysée. La reconnaissance tardive du sang versé par les troupes coloniales.


Un peu de terre d'Afrique au pied du Beaujolais
Pour prendre la mesure du sacrifice des troupes coloniales pour la France et de l'injustice qui leur a été faite, à eux et à leurs descendants pendant 70 ans, il faut aller visiter la nécropole nationale de Chasselay.
C’est un endroit paisible où les collines du Beaujolais viennent mourir sur la plaine de la Saône, où les vignes cèdent la place aux cerisiers et aux poiriers, aux portes de Lyon, une terre de beaux fruits et de bien manger. 
A la sortie du village, un panneau : Tata sénégalais, nécropole nationale. Et l’on arrive à des bâtiments de pisé rouge, qui, au milieu des champs de maïs, rappellent les constructions traditionnelles en terre que l’on trouve au Mali ou au Sénégal. C’est un cimetière. Si l’on pousse la grille, des rangées de tombes, en terre rouge, très simples, 194 exactement. Et si l’on se met à lire les inscriptions, beaucoup commencent par "inconnu" "sergent", d’autres par « Né à Thiès » ou « né à Kaolack »,ou « né à Saint-Louis ». Toutes se terminent  par « Mort pour la France ».
C’est une page de notre Histoire, un peu oubliée, un peu chahutée aujourd’hui, que l’on (re)découvre. Celle du massacre des tirailleurs sénégalais lors de la défaite de juin 1940. Sur 65 000 tirailleurs engagés au combat entre mai et juin 1940, 29 000 ont été tués. Et à Chasselay, massacrés.
Le 19 juin 1940, alors que l’armée française est en déroute, alors que plus au sud, Lyon est déclarée ville ouverte, c’est-à-dire que l’on renonce à la défendre, la 3ème compagnie du 25 ème régiment de tirailleurs sénégalais se trouve à Chasselay. Elle n’a pas reçu l’ordre de retraite et les officiers vont donner l’ordre de résister à l’avance des troupes allemandes dont la tristement célèbre division SS « Totenkopf » « Tête de mort ». Les tirailleurs, qui n’ont aucune expérience de combat, résistent deux jours, jusqu’à n’avoir plus de munitions. Lorsqu’ils sont faits prisonniers, ils sont immédiatement séparés des soldats « blancs » et exécutés dans un champ, balles dans le dos ou écrasés par les chenilles des panzers. 2 officiers accusés d’avoir dirigé des « nègres » sont également exécutés. Pour les nazis, les noirs des troupes françaises, c’était le comble de la décadence.
A partir de 1942, avant l’occupation de la zone libre, est édifié un cimetière où sont inhumés les corps de 194 tirailleurs, de plusieurs nationalités, ainsi que de 2 légionnaires. Ceux qui commandaient le régiment et qui avaient voulu s’opposer au massacre. De la terre venue d’Afrique fut répandue sur les tombes.
Il a fallu attendre 1966 pour que ce tata - en wolof, c’est un mot qui signifie « fortin »« enceinte de terre sacrée » -  soit  reconnu « nécropole nationale ».
Dans la paix de cette campagne, il faut parcourir ce cimetière un peu oublié, lire tous ces noms, ces parcours de vies, fauchées au sortir de l‘adolescence, venues d’Afrique et tombées pour la France, notre pays qu’ils ne connaissait même pas, morts alors qu’au même moment tant de français préféraient la collaboration avec les nazis.
Le 20 décembre dernier, François Hollande a profité de la visite du Président sénégalais Macky Sall, pour annoncer que l’accession de leurs descendants à la nationalité française serait « facilitée ». Une mesure passée un peu inaperçue, éclipsée par l’attentat de Berlin. Cette décision n’est que justice. Mais une justice bien timide et tardive. D’ailleurs, il avait fallu attendre Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy en 2010 pour que les pensions versées aux anciens combattants africains soient mises à égalité avec celles des français. Pendant plus de 60 ans le prix du sang versé pour la France avait été de 5 à 10 fois moins important selon qu’on soit bourguignon, sénégalais ou algérien.
Nous vivons une e-poque formidable.

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