Un peu de terre d'Afrique au pied du Beaujolais |
Pour prendre la mesure du sacrifice des troupes coloniales pour la France et de l'injustice qui leur a été faite, à eux et à leurs descendants pendant 70 ans, il faut aller visiter la nécropole nationale de Chasselay.
C’est un endroit paisible où les collines du Beaujolais viennent mourir sur la plaine de la Saône, où les vignes cèdent la place aux cerisiers et aux poiriers, aux portes de Lyon, une terre de beaux fruits et de bien manger.
C’est un endroit paisible où les collines du Beaujolais viennent mourir sur la plaine de la Saône, où les vignes cèdent la place aux cerisiers et aux poiriers, aux portes de Lyon, une terre de beaux fruits et de bien manger.
A la sortie du village, un panneau : Tata sénégalais, nécropole nationale.
Et l’on arrive à des bâtiments de pisé rouge, qui, au milieu des champs de
maïs, rappellent les constructions traditionnelles en terre que l’on trouve au
Mali ou au Sénégal. C’est un cimetière. Si l’on pousse la grille, des rangées
de tombes, en terre rouge, très simples, 194 exactement. Et si l’on se met à
lire les inscriptions, beaucoup commencent par "inconnu" "sergent", d’autres par « Né à Thiès » ou « né à Kaolack »,ou
« né à Saint-Louis ». Toutes se terminent par « Mort pour
la France ».
C’est une page de notre Histoire, un peu oubliée, un peu
chahutée aujourd’hui, que l’on (re)découvre. Celle du massacre des tirailleurs
sénégalais lors de la défaite de juin 1940. Sur 65 000 tirailleurs engagés au
combat entre mai et juin 1940, 29 000 ont été tués. Et à Chasselay, massacrés.
Le 19 juin 1940, alors que l’armée française est en déroute,
alors que plus au sud, Lyon est déclarée ville ouverte, c’est-à-dire que l’on
renonce à la défendre, la 3ème compagnie du 25 ème régiment de tirailleurs
sénégalais se trouve à Chasselay. Elle n’a pas reçu l’ordre de retraite et les
officiers vont donner l’ordre de résister à l’avance des troupes allemandes
dont la tristement célèbre division SS « Totenkopf » « Tête de
mort ». Les tirailleurs, qui n’ont aucune expérience de combat, résistent deux
jours, jusqu’à n’avoir plus de munitions. Lorsqu’ils sont faits prisonniers,
ils sont immédiatement séparés des soldats « blancs » et exécutés
dans un champ, balles dans le dos ou écrasés par les chenilles des panzers. 2
officiers accusés d’avoir dirigé des « nègres » sont également
exécutés. Pour les nazis, les noirs des troupes françaises, c’était le comble de
la décadence.
A partir de 1942, avant l’occupation de la zone libre, est
édifié un cimetière où sont inhumés les corps de 194 tirailleurs, de plusieurs
nationalités, ainsi que de 2 légionnaires. Ceux qui commandaient le régiment et
qui avaient voulu s’opposer au massacre. De la terre venue d’Afrique fut
répandue sur les tombes.
Il a fallu attendre 1966 pour que ce tata - en wolof, c’est un mot qui signifie « fortin »« enceinte
de terre sacrée » - soit reconnu « nécropole
nationale ».
Dans la paix de cette campagne, il faut parcourir ce
cimetière un peu oublié, lire tous ces noms, ces parcours de vies, fauchées au
sortir de l‘adolescence, venues d’Afrique et tombées pour la France, notre
pays qu’ils ne connaissait même pas, morts alors qu’au même moment tant de
français préféraient la collaboration avec les nazis.
Le 20 décembre dernier, François Hollande a profité de la
visite du Président sénégalais Macky Sall, pour annoncer que l’accession de
leurs descendants à la nationalité française serait « facilitée ». Une
mesure passée un peu inaperçue, éclipsée par l’attentat de Berlin. Cette
décision n’est que justice. Mais une justice bien timide et tardive. D’ailleurs,
il avait fallu attendre Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy en 2010 pour que
les pensions versées aux anciens combattants africains soient mises à égalité
avec celles des français. Pendant plus de 60 ans le prix du sang versé pour la
France avait été de 5 à 10 fois moins important selon qu’on soit bourguignon,
sénégalais ou algérien.
Nous vivons une e-poque formidable.
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