Le Franc CFA symbole du néocolonialisme français ? |
C’est une affaire qui fait grand bruit en Afrique, ou du
moins en Afrique francophone.
Le 19 août dernier, Kémi Seba, souvent présenté
comme un « polémiste » franco-béninois, a brûlé en public un billet
de 5000 Francs CFA ( pas de panique, cela représente moins de 8 euros). Il a
été arrêté et jugé en flagrant délit par un Tribunal de Dakar. Quel
délit ? En France, contrairement à une idée reçue, brûler un billet de
banque n’est pas, n’est plus un délit. Mais beaucoup ont encore en tête Serge
Gainsbourg en 1984 brûlant un billet sur le plateau de TF1 pour montrer que
chaque fois qu’il gagnait 500 Francs, le fisc lui en prenait la moitié.
Mais le Sénégal n’est pas la France, et curieusement, la
Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest est apparemment moins souple.
L’incendiaire a été relaxé, mais qu’importe : Il a fait le buzz autour de
son combat contre le néo-colonialisme français, symbolisé selon lui par le
maintien du Franc CFA, cette monnaie commune, créée au moment des indépendances
de l’Afrique francophone.
Dans sa lutte qu’il compare à celle de Rosa Parks au temps
de la ségrégation aux Etats-Unis – excusez
du peu, il faudrait peut-être lui rappeler le sort des noirs pendus aux
branches des arbres par le Ku Klux Klan - il a été soutenu par de nombreuses personnalités, journalistes,
artistes, comme le chanteur Alpha Blondy.
Il surfe ainsi sur une accusation de plus en populaire en
Afrique de l’Ouest : Le Franc CFA maintient une situation de domination
coloniale, et la Banque de France qui garantit la stabilité et la
convertibilité du Franc, se ferait ainsi payer une sorte d’impôt colonial.
C’est faux, mais cela a l’apparence d’une vérité, ne serait-ce qu’à cause du
nom de cette monnaie qui renvoie à l’histoire coloniale.
Personne à Paris ni à la Banque de France, ni à l’Elysée
ne défendra un instant le Franc CFA. Le nouveau Président l’a annoncé: La
Françafrique ne rapporte rien à notre pays, si ce n’est des problèmes qui
handicapent l’établissement de relations décomplexées entre nos pays. Ce n’est
pas cela qui permettra à Bolloré ou à Orange de remporter plus de contrats face
aux entreprises chinoises, américaines ou marocaines.
En revanche, faire du Franc CFA la source de tous les maux
africains a l’avantage d’éviter que l’on pose des questions compliquées:
Chacun de ces pays doit-il avoir sa propre monnaie ? Quelle
doit être la politique monétaire du Sénégal ou de la Côte d’Ivoire ? Quid
de l‘indépendance monétaire réelle pour des pays moins dynamiques comme le
Burkina ou le Mali ? Quel est le « bon » niveau du Franc CFA ? Est-il
trop cher ? Sa stabilité est-elle un avantage ou bien un handicap pour le
développement ?
Quand on voit les errements de certains pays d’Amérique
Latine de l’Argentine au Venezuela en passant par le Brésil, on peut craindre
que l’instabilité monétaire, l’utilisation de la planche à billets,
l’hyperinflation, ne pénalisent d’abord les plus pauvres, les plus riches
plaçant eux leur argent en dollars ou en euros à Miami ou dans les Iles Vierges.
Sans parler du Congo Kinshasa, dont le Franc, autrefois Zaïre, qui n’est lié ni
au Franc CFA, ni à la Banque de France, s’effondre face au dollar, alors que l’inflation
explose. On estime que les congolais ont perdu 20 % de leur pouvoir d’achat en
un an.
Mais il y a une question encore plus gênante qui n’est pas
posée par le billet brûlé: Quelle est la responsabilité des dirigeants
africains dans l’explosion de la pauvreté et des inégalités dans leurs pays
alors même que certains de ces pays connaissent des taux de croissance spectaculaires ?
PS : Et puis pour rappeler aux combattants
anti-colonialistes d’aujourd’hui ce qu’était l’Amérique de Rosa Parks, on peut
réécouter « Strange Fruits » de Billy Holliday repris récemment par
Kanye West dans « New Slaves » et dont le refrain dit : I see blood on the leaves ; Je vois le sang des noirs pendus aux
branches des arbres qui coule sur les feuilles.
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