Monsieur Paul: No comment ! |
Jeune étudiant, j’avais choisi de rédiger
un mémoire sur la gestion des PME de luxe, avec l’exemple des restaurants 3 étoiles.
J’appelle
le restaurant Paul Bocuse à Collonges, recommandé par des amis communs. C’était
un samedi et on me donne rendez-vous vers 14 heures. J’arrive à Collonges. Il m’accueille.
Un géant qui vous broie la main. Il me dit qu’il a encore à faire en cuisine et
me demande « Tu as déjeuné ? ».
Que peut-on répondre à Paul Bocuse qui vous demande si vous avez déjeuné ?
J’avais déjeuné mais évidemment j’ai répondu non. Il appelle un garçon. «Installe le gamin à cette table, et tu lui fais
goûter un peu de tout . Et sers le bien !». Ce fût… pas racontable, d’autant que vers 15
heures, le voilà, il s’installe, vérifie que je « casse bien la croûte », et nous
commençons à discuter.
Et là - nous sommes en 1974 - il me déroule
tous ses projets, toutes ses prémonitions. Ses brasseries, sa conquête du
monde, Institut Paul Bocuse avec ses masters dans le monde d’entier, les Bocuse
d’or, l’événement de la gastronomie mondiale tous les deux ans, les Halles de Lyon-
Paul Bocuse.
Nous étions là, dans ce temple de la gastronomie, moi le petit étudiant, lui le pape de la cuisine, et "Monsieur Paul" accordait deux heures de son
temps, un samedi, après le coup de feu, au gamin venu l’interroger !!!
Paul Bocuse est mort. C’est un empereur qui
vient de s’éteindre. Un monstre sacré. Le père de tous les cuisiniers français
d’aujourd’hui. Bocuse a permis, a incarné le passage entre la cuisine française
traditionnelle, Fernand Point, la Mère Brazier, la mère Fillioud, la cuisine
des mères lyonnaises, à la cuisine française mondialisée, des Ducasse, Gagnaire,
Marcon, Anne-Sophie Pic. Bocuse est le premier à être sorti de ses cuisines pour
conquérir le monde. Connu en Chine, au Japon ou aux Etats-Unis, mais toujours
les pieds dans son auberge de Collonges-aux-Mont d’Or à Lyon.
Bien sûr, depuis quelques années, il était
malade et diminué mais quel bonhomme, un monde disparaît avec lui.
C’est la Tour Eiffel qu’il faudrait mettre en
berne, une minute de silence dans tous les restos.
Et puis, puisque au fronton
du Panthéon, il est écrit : « Aux grands hommes, la Patrie
reconnaissante », rien ne conviendrait mieux que Bocuse au Panthéon
national, lui qui y est déjà au Panthéon du génie gastronomique.
Mais bien sûr, ce n’est qu’une boutade, car
jamais il ne voudra quitter Collonges, son Abbaye, ses limonaires et les rives
de la Saône.
Adieu et merci Monsieur Paul !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire