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lundi 11 mai 2009

8 mai, 10 mai: « Repentance » ou « souvenance » ?

En Haïti, l’ancienne colonie française de Saint-Domingue, première « République noire » depuis 1804, existe un lieu baptisé « nan souvenance ».
Il s’agit d’un lieu de pèlerinage, un lieu où les haïtiens se souviennent de leurs ancêtres venus d’Afrique. Pas besoin de parler créole pour comprendre qu’en matière d’histoire, collective, partagée, ce qui est important, c’est la mémoire, la transmission du souvenir, la connaissance des faits, la « souvenance » qui n’a rien à voir avec la « repentance ».
Repentance ?
Christiane Taubira, députée de la Guyane, et rapporteur de cette fameuse loi de Mai 2001 sur la reconnaissance des « traites et des esclavages comme crimes contre l’humanité », ne cesse de préciser qu’elle n’utilise pas le mot « repentance » qui, dit-elle, « appartient au vocabulaire religieux et non pas politique ou législatif ». Mais elle a beau faire, tout le monde et notamment les médias continuent à tout mélanger derrière ce terme de «repentance », histoire peut-être de faire semblant de ne pas comprendre quels sont les objectifs de cette loi mais également de ces commémorations et de ces cérémonies autour du souvenir du sacrifice des "soldats indigènes" ou de l'abolition de l'esclavage.
Car beaucoup de français, sans le dire ouvertement, ressentent tout cela comme un exercice imposé, comme une concession au politiquement correct, qui voudrait que l’homme blanc soit la source de tous les maux, et qui leur demanderait d’aller demander pardon pour toutes les fautes commises par leurs ancêtres.
Or il ne s’agit pas de cela. Il ne s’agit pas de tomber dans l'autre extrême: l’auto-flagellation, le "sanglot de l’homme blanc": Ce sont là des postures qui sont le fait de personnes qui découvrent cette histoire, notre histoire,qui en font trop, histoire de compenser: Comme si Wikipédia suffisait pour combler leur ignorance (notre ignorance?) de ce qu’ont pu être la colonisation et l’esclavage!
Rien n'est tout noir, ni tout blanc.
Si la France a commis des injustices à l’égard des soldats « indigènes », surtout après la guerre, pourtant, dans le même temps, il n’existait pas d’apartheid institutionnel dans l’armée française. Pendant la seconde guerre mondiale, les « engagés » antillais qui voulaient rejoindre les Forces Française Libres en passant par les Etats-Unis, en ont fait l’amère découverte: L'armée américaine voulait leur appliquer le même traitement de ségrégation qu’elle pratiquait pour les soldats noirs américains.
Les troupes françaises recrutées et formées en Afrique Noire, notamment par un noir, le gouverneur général Félix Eboué, rencontrèrent le même problème, les chefs militaires américains rechignant à ce que des tankistes ou des pilotes soient noirs.
Mais l’Histoire ne peut pas se découper en rondelles, dont nous ne garderions que les morceaux « nobles » pour en jeter les morceaux de violences, d’horreurs, de trahisons de nos propres idéaux, liberté, égalité, fraternité.
On peut admirer la France révolutionnaire, l’épopée napoléonienne, et reconnaître que la guerre menée par les français en Espagne, et en Haiti d’ailleurs, a été« barbare ».
On peut admirer l’œuvre de la Troisième République, tout en ne passant pas sous silence le fait qu’en tolérant un statut particulier et de seconde zone pour les « indigènes », elle trahissait ses propres idéaux: Tous les hommes n’étaient pas libres et égaux en droits, donc il y en avait qui étaient supérieurs à d’autres. Et l’on sait où ces glissements ont conduit dans l’Europe des années 30, jusqu’aux nazis. Aimé Césaire dans « Discours sur le colonialisme » en fait la démonstration magistrale.
Vouloir chipoter avec ce devoir de « mémoire » avec des : « Tout n’était pas mauvais ; Nous avons construit des routes ; Et l’éducation ? » c’est s’engager sur une voie dangereuse, celle qui a conduit certains allemands, très peu nombreux, mais quand même ! à continuer à dire : « Hitler , c’était pas bien, c’était un fou, il a fait la guerre, mais quand même les nazis ont remis l’Allemagne au travail et ils ont construit des autoroutes ! » C’est parce que l’on continue à entendre cela, que la "confrontation avec le passé" est en permanence au travail en Allemagne, et sans la moindre complaisance de la part des autorités allemandes. Et sur ce point, nous serions bien inspirés de nous inspirer de nos amis allemands.
Ce n’est pas pour les « indigènes » que la France développe aujourd’hui ce travail de mémoire, beaucoup sont déjà morts, c’est pour elle-même, pour nous-mêmes, pour construire l’avenir d’une France métissée dont les enfants sont les héritiers de toutes ces histoires.
Pas de repentance, ni d’arrogance, de la souvenance !

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