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mardi 19 janvier 2010

Haiti : Après l’horreur, la fureur …

Ce matin, en me réveillant, j’ai reçu un sac de riz sur la tête. J’ai cru un instant que j’étais au milieu des ruines de ma rue à Delmas, Port-au-Prince , Haiti, et que je n’avais ni bu, ni mangé, ni dormi depuis 5 jours et qu’un hélicoptère venait d’apparaître dans le ciel envahi par les mouches pour nous jeter , de haut, de très haut (les mouches, c’est dangereux) des vivres à nous les affamés, les sinistrés, les émaciés, les sous-développés, les pays-le-plus-pauvre-du-monde, les incapables-de-se gouverner, des sacs de vivres marqués « pays blancs »…

La soif et la faim et la douleur et la mort sont mauvaises conseillères : C’est bien connu. Alors personne ne me tiendra rigueur de ces propos pleins de fureur.

D’autant que pas une seconde je ne mets en doute le dévouement et le courage de ces centaines, de ces milliers de sauveteurs et de soldats qui fouillent les décombres d’Haïti. Je suis même heureusement stupéfait de constater que l’émotion qui a saisi la communauté internationale de la Chine à Gaza, de la France aux Etats-Unis est énorme, profonde, sincère. La mobilisation sans précédent des américains, et le président Obama en qualifiant les haïtiens de « peuple frère » en est le symbole, est à prendre sans restriction, ni arrière pensée. Il y urgence et tout est bon à prendre.

Ce qui donne le vertige, c’est ce fossé qui a séparé (sépare encore ?) cette formidable solidarité internationale qui s’entasse autour de la piste de l’aéroport Toussaint-Louverture, des millions de sans-abris et sans rien du tout, qui s’entassent au milieu des ruines à quelques centaines de mètres seulement de là.

On comprend bien les difficultés logistiques de faire parvenir autant de secours à autant de personnes dans un laps de temps aussi bref. MAIS…

Mais on comprend aussi les réactions de ces 3 millions ( ?) d’Haïtiens qui se sont retrouvés tous seuls après le cataclysme. 3 jours, 4 nuits, 5 jours : Une éternité, quand on n’a que ses mains, une pelle, un piquet pour tenter de dégager sa fille qu’on entend pleurer quelque part sous les décombres, cette femme, atrocement blessée, qui implore à l’aide, mais laquelle ?, alors que je n’ai plus que des hayons en guise de vêtements, alors que mon ventre n’a plus de langue pour crier famine, que ma bouche est pleine du plâtre des gravas qui m’entourent, que mon nez ne respire que l’odeur des miens dont les cadavres pourrissent.

Seul au monde. Seuls au monde. Voilà ce qu’ont vécu et ce que vivent les haïtiens depuis mardi dernier…

Alors, n’attendez ni fleurs, ni hourras lorsque, enfin, l’eau, les vivres, les secours leur parviendront.

Le fossé est effrayant, entre cette formidable aide internationale qui se met en place, mais avec une lenteur, compréhensible techniquement mais incompréhensible haïtiennement, et la solidarité, l’entraide, le courage, le calme, la dignité des millions d’Haïtiens qui se sont retrouvés tous seuls au milieu de leur pays et de leurs vies en ruine.

Ce calme, cet esprit d’entraide ont frappé tous ceux qui étaient là les premiers jours, comme le grand reporter de CNN Jonathan Mann. Evidemment Jonathan Mann est un poids lourd de la télé américaine. Nous étions déjà ensemble en Haïti pour la chute de Duvalier en… février 1986. Il connaît donc bien , très bien Haïti, parle français ET créole. Interrogé par une chaine française, on sentait son calme agacement entre ce qu’il essayait de décrire (sa stupéfaction et son admiration devant la manière dont les haïtiens tentaient de se secourir eux-mêmes sans aucune aide extérieure) et les questions du confrère parisien, qui en permanence voulaient lui faire dire qu’il y avait des violences, qu’on était au bord de l’explosion.

Il est effrayant qu’en 2010, dans ce pays minuscule , qui n’a rien à voir avec l’Himalaya ou la forêt amazonienne, à moins de 100 minutes de vol de Miami et de ses experts, des millions de personnes aient pu se retrouver ainsi pendant quatre à cinq jours, seules au monde.

Qu’est ce qui ne va pas dans notre monde pour que nous, les nations développées, riches, organisées, nous n’ayons pas réussi à faire plus vite ? Avant de nous réjouir de cet « effort humanitaire sans précédent », nous ferions bien de nous poser cette question, afin que la prochaine fois, car il y aura une prochaine fois, ce fossé là soit comblé.

Nous vivons une e-poque formidable !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Entièrement d'accord avec la "fureur" ressentie face au "balancé" de packs d'eau, encourageant violences et frustrations.

Non, on est plus au Vietnam. Mais les Américains ont cette manière de cultiver le paradoxe d'une extrême mobilisation (louable) et de reproduire les clichés, car ils ne rveuelent certainement pas "toucher" l'horreur. C'est le comble de l'aide humanitaire.

Pensées pour ces milliers d'haitiens sans abris, qui manquent de tout. Et ils ont aison (pour ceux saufs) de s'en remettre de Dieu (ou aux esprits), en attendant de pouvoir accéder aux aides sanitaires et alimentaires.

Merçi pour ces billets.

ddpresse a dit…

SOLIDARITÉ POUR HAÏTI
en ti péyi ki senntré an mitan lé Antilles
Brimad nan lavi, goumen san pran souf
n'ap viv sou tansyon chak moman lavi nou
reyini ansanm, pa ret nan ti kwen yo
Nan tan jodi, SOLIDARITÉ
we are all one

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