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dimanche 19 décembre 2010

Les grecs anciens pour nous aider à combattre la violence dans notre société : Les leçons de Jacqueline de Romilly!


« Le V° siècle athénien a inventé la démocratie et la réflexion politique. Il a créé la tragédie et, en moins de cent ans, a vu se succéder les trois seuls auteurs qu’ait connus la postérité –Eschyle, Sophocle, Euripide. Il a donné forme à la comédie avec Aristophane. Il a vu l’invention de l’histoire, avec Hérodote (…) puis Thucydide. Il a vu les constructions de l’Acropole et les statues de Phidias. Il a été le siècle de Socrate. Socrate, dans les dernières années du siècle, s’entretenait avec le jeune Platon ou le jeune Xénophon, et avec les disciples de ces sophistes, qui venaient d’inventer la rhétorique. On apprenait alors les progrès d’une nouvelle médecine, scientifique et fondée sur l’observation – celle d’un certain Hippocrate. (…) Il s’est donc passé quelque chose, en ce V° siècle avant J.C, qui allait au-devant de l’intelligence et de la sensibilité humaines (…) Il faut se demander ce qu’il pouvait y avoir en Grèce, dés l’origine et jusqu’à la fin, qui mette ainsi à part la civilisation grecque et lui assure ce rayonnement sans pareil… » (1)
« La violence constitue à la fois un des pires maux de notre époque et un de ceux contre lesquels la Grèce antique s’est élevée avec le plus de force. (…)
«Cette violence semble depuis peu être devenue le fait des jeunes ou plutôt des très jeunes .(…)d’ailleurs notre époque a inventé un terme précis pour désigner ces destructions systématiques et gratuites en appelant ceux qui s’y adonnent « les casseurs ». Notre époque est devenue une époque de « casseurs ».(…)
De même, dans divers pays, des partis politiques extrêmes adoptent des attitudes et des tenues qui symbolisent le règne de la force brutale (…).
Il en est de même des foules qui se pressent autour des stades et plus généralement, des réunions sportives : il y a là des actes de violence quotidien (…)
Il suffit de regarder notre littérature, notre cinéma, notre télévision, pour constater qu’en effet ces diverses formes modernes de la violence occupent les esprits, retiennent l’attention, et sont constamment mentionnées. Je devrais plutôt dire qu’elles sont constamment exhibées, puisque, grâce à l’image, cette violence est tous les jours sous nos yeux. Il est certain que par là ces moyens de diffusion risquent d’habituer à la violence la sensibilité de tous et l’imagination des jeunes : en montrant quotidiennement la violence, ils la font être quotidiennement dans la réalité du lendemain.(…)
La Grèce antique a connu la violence, bien entendu. Elle l’a connue sous toutes ces formes. Elle a connu une interminable série de guerres ; et au cours de chacune d’elles, on rencontre des mesures de répression, qui nous paraissent effroyablement cruelles. (…)
La Grèce a connu la violence (…) mais elle a condamné la violence : toute la littérature du temps l’atteste. Et peut-être est-ce précisément parce qu’elle en a fait l’expérience qu’elle a pu exprimer avec tant de force son refus et son désir de l’abolir (…)
Les Grecs ne nous ont pas offert un modèle qu’il s’agirait d’imiter : ils ont décrit une expérience et défendu certaines valeurs qu’ils étaient les premiers à découvrir et qu’ils ont exprimées avec une telle netteté et un tel sens de l’universel que celles-ci s’imposent encore à nous, comme si celles étaient actuelles.(…)
L’humanisme (une tolérance à visage humain) ne date pas (…) du XVI°siècle après J.C. Il date en réalité de la Grèce, et du V° siècle avant J.C.(…) Si ce même humanisme retrouvait quelque rayonnement de nos jours, et si se réveillait un peu la solidarité qui lui était lié, ce ne serait pas mal. La fragilité des prospérités humaines ne serait plus alors une cause de découragement, mais de respect d’autrui et d’espoir.(…)
L’ensemble des œuvres d’une littérature constitue comme une éducation pour le peuple qui en est nourri, qui apprend à les connaître et à s’y retrouver, alors le problème devient un peu différent (…) Dans les classes, pour les jeunes, quand il s’agit de leur inculquer, le plus possible, tout ce qui pourra faire reculer la sombre violence dont nous souffrons, il faudra plutôt former leurs jeunes années avec les auteurs antiques ou classiques. Les auteurs les plus modernes leurs seront toujours connus par le contexte du présent (…) Mais on peut espérer que la lecture d’autres textes aidera à fortifier en eux le dégoût de la violence, et à laisser croître dans leur sensibilité des forces de résistance. Il faut à tout prix leur communiquer un peu de cette sève et de cet élan que nous avons perdu. (…)
Je n’imagine certes pas que la littérature soit le premier remède contre la violence, ni le plus efficace. (…)Mais l’aide de la littérature, l’aide de l’enseignement, l’aide des textes, l’aide de la Grèce, pourquoi s’en priver ? Elle est là, réconfortante et lumineuse, capable de nous aider, et à portée de notre main… »(2)

(1)  Pourquoi la Grèce ?
(2)  La Grèce contre la violence


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