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jeudi 13 janvier 2011

Haïti : Rien ne bouge autour d’eux.



Ce tsunami d’émissions « spéciales » sur Haïti, de dossiers, de reportages, de documentaires, d’envoyés spéciaux, cette avalanche de bonnes volontés médiatiques à l’occasion du premier anniversaire de l’épouvantable tremblement de terre, tout cela donne le tournis. Et l’envie de se taire.
Il y a un an, jour pour jour, interrogé sur I-Télé par Audrey Pulvar, j’avais été un peu atterré par sa première question : « Haïti est-elle un pays maudit »…  Je crois avoir longuement expliqué pourquoi il n’y avait aucune malédiction dans les malheurs qui accablent les haïtiens.
Un an plus tard, j’entends encore et toujours les mêmes questions sur cette soi-disant « malédiction », sur cette soi-disant « fatalité ». Si il n’y avait pas en jeu les souffrances de millions de personnes tentant de survivre au milieu des ruines de leur pays, on pourrait sourire des titres de certains articles ou de certaines émissions : « Un an après, Haïti est-elle reconstruite ? » ou bien « Où en est la reconstruction ?» ou encore : « Mais où sont passées tous nos milliards ? ». Parfois même, il y a comme un reproche dans la manière de demander des comptes aux haïtiens « Qu’avez-vous fait de notre argent, à nous les généreux donateurs ? »…
Non mais, qu’est-ce que vous alliez imaginer ? Que notre « formidable » générosité (Si l’on compte bien les sommes réellement débloquées, pas grand chose, en fait) allait soulever des montagnes ? Avec une lampe magique? On frotte la lampe (celle de l’émotion internationale après le tremblement de terre), et en sort un bon Génie, Bill Clinton ! Qui nous dit : « Fais trois vœux, et tu seras exaucé ». Bon, allons-y trois vœux: « Bon Génie et généreux donateurs, je veux : 1) qu’Haïti soit reconstruite 2) Qu’Haïti soit développée 3) Qu’Haïti vive dans la démocratie et la paix »…
Mais Haïti était déjà à terre avant le tremblement de terre, et si ce tremblement de terre certes extrêmement violent a été aussi dramatique et meurtrier, c’est justement parce que le pays et sa capitale Port-au-Prince n’avaient plus ni infrastructures, ni assainissement, ni logement, ni Etat. Une nation sans Etat… Ce n’est pas de la seule reconstruction de bâtiments et de logements dont il s’agit, mais d’un Etat tout entier.
« Seuls au monde » : C’est le sentiment qu’ont eu les millions d’haïtiens dans les heures, les jours qui ont suivi la catastrophe. Alors que s’entassait l’aide internationale sur l’aéroport, ils étaient seuls pour tenter à mains nues de soulever des pans de bétons, de fouiller les décombres, de se venir en aide. A une heure d’avion de Miami et de ses experts, à quelques heures de route des plages de rêve de Saint-Domingue.
Et un an plus tard, beaucoup d’haïtiens ont toujours ce même sentiment: D’être seuls au monde.
Un ami me demandait : « Mais quelles sont les ressources d’Haïti ? » Il n’y en a pas. Ni pétrole, ni nickel, ni fer, ni charbon, ni agriculture, ni tourisme. Rien. Rien qu’un peuple, un tout petit peuple, mais, et tous ceux qui travaillent avec les haïtiens dans les hôpitaux, les écoles, les camps de réfugiés en témoignent, d’une incroyable ténacité, d’une stupéfiante ingéniosité  et d’une conscience historique rare, de cette sorte de fierté nationale qui a sous-tendu et sous-tend les développements de pays comme le Japon ou la Corée. « Pour la patrie, pour les ancêtres » dit l’hymne national haïtien, qui rappelle, que « l’Union fait la force » et que tous unis les haïtiens ont déjà réussi, il y a 200 ans, à soulever des montagnes.
Bien sûr les haïtiens ont besoin de notre aide, mais ils ont tous les experts qu’il faut et ils ont toutes les capacités nécessaires pour savoir ce qu’il faut faire pour développer leur pays.
Ce qu’il faudrait faire, ce que la communauté internationale devrait s’engager à faire, c’est garantir la sécurité extérieure du pays, sans laquelle aucun Etat ne pourra se remettre en place. Et très concrètement cela signifie que c’est moins à l’intérieur d’Haïti que devraient patrouiller les soldats internationaux, qu’à l’extérieur, au large de ses côtes, le long de sa frontière pour éviter qu’Haïti, pays ouvert à tous les vents mauvais, ne soit une plaque tournante pour les mafias en tout genre, et notamment celles de la drogue, qui pour quelques milliers de dollars sont toujours prêtes à faire assassiner celles et ceux qui tentent de remettre un peu d’ordre.
Il faudrait que nous nous taisions. Pour nous mettre à l’écoute de toutes ces voix haïtiennes qui nous parlent d’Haïti, mieux que n’importe quel reportage. Comme celle par exemple, de l’écrivain Dany Laferrière et de son très beau livre : «Tout bouge autour de moi ».
Ce n’est pas de notre compassion dont les haïtiens ont besoin, c’est de notre détermination.
Nous vivons une e-poque formidable.


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