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lundi 24 janvier 2011

Tunisie : Révolution arabe ? Non ! Révolution, tout court !

Quel mauvais titre !

Après avoir été sourds, aveugles, muets, en ce qui concerne la Tunisie, ça y est, nous tombons dans l’autre extrême.
L’ensemble de la presse aujourd’hui titre sur la « révolution arabe », imaginant que la « contagion démocratique » s’étendra au Maroc, à l’Algérie, à l’Egypte, à la Jordanie. Les différents articles ne vont pas jusqu’à imaginer la démocratie en Arabie Saoudite, mais presque …
Tout cela est très sympathique, mais hélas! totalement déconnecté des faits qui, comme l’on sait, sont têtus.
D’abord parce que, sous le terme de « monde arabe » se cachent des réalités de sociétés, de régimes, de cultures, de populations, de développements, extrêmement différentes. Il y a même un côté européocentrique voire raciste à croire que tous les «arabes» sont « arabes », et d'ailleurs que tous les "arabes" sont "musulmans". Et qu’entre la Tunisie, laïque, marquée par l’héritage très « rad-soc » « III° République » d’un Bourguiba, et un Maroc féodal, ou une Arabie Saoudite, monarchie dictatoriale théocratique, la démocratie sera comme de l’eau circulant entre des vases communicants…
On peut même craindre que les principales menaces dans les prochaines semaines contre le processus démocratique en Tunisie, ne viennent de certains pays arabes dont les dictateurs ne peuvent voire d’un bon œil un pays « frère » devenir une critique vivante de leurs régimes. Avec ses barbouzes et son argent, pensez-vous vraiment que le colonel Khadafi, même s’il veut se donner depuis quelques années une nouvelle respectabilité, ne cherchera pas à influencer, dans son sens, qui n’est pas celui de la liberté, ce qui se passe en Tunisie ?
Il est facile, après coup, de mettre en avant les éléments qui ont permis la «Révolution du jasmin ». Mais il semble encore une fois que, quelque soient les limites de Bourguiba, le père de l’indépendance tunisienne avait eu au moins deux mérites, qui font la différence entre la Tunisie et les autres pays:
- Ancrer les idéaux démocratiques dans la réalité de son pays - les principes de « Liberté, égalité, fraternité" n’y apparaissent plus comme des idéaux importés d’Europe.
- Faire de l’éducation pour tous, et surtout pour toutes, un axe essentiel de l’action de l’Etat.
C’est pour cela que la révolution en Tunisie est une « révolution » tout court. Car il est toujours suspect d’accoler un adjectif au terme de « révolution » : 1917 en Russie, est une révolution « marxiste », mais l’on voit ce que cela a donné. Et l’Iran, et sa « Révolution islamique » ? Et la Lybie, avec sa «Révolution du petit livre vert» ? …
Et là, on retombe sur un  principe universel: On ne fait pas durablement avaler des couleuvres à un peuple éduqué.
C’est d’ailleurs ce qui frappait dans la Tunisie de Ben Ali, ce décalage entre un régime policier totalement fermé et le haut niveau d’éducation de la population et des jeunes.
On peut a contrario être inquiet de la marche à reculons de la société algérienne, avec développement de la corruption et faillite du système d’éducation, ou encore, au Maroc, du fossé qui se creuse entre une majorité de la population et notamment les femmes toujours exclues de l’éducation, et un réel enrichissement économique accompagné d’une certaine ouverture politique, mais qui ne concerne qu’une minorité.
Oui, l’exemple tunisien aura des conséquences, et même si les lendemains déchantent un peu.
Non pas parce qu’elle serait une révolution « arabe », mais parce qu’elle est une révolution tout court. Qui démontre que Liberté, Egalité, Démocratie, ne sont pas des aspirations réservées aux seuls occidentaux, mais sont communes à toutes les sociétés humaines. On peut se demander par exemple si ce n’est pas Cuba qui sera le prochain domino démocratique. Les indices y sont les mêmes qu’en Tunisie : Un fossé entre un régime dictatorial en bout de course, et un niveau très élevé d’éducation et de formation de la population.  
Nous vivons une e-poque vraiment formidable ! 

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