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samedi 2 avril 2011

Je m’en bats les couilles !



Quelle belle langue que la nôtre ! (Le français, CQFD). Et cela ne doit pas être subjectif puisque l’on ne compte plus le nombre d’étrangers qui bien souvent sans avoir le moindre lien familial, personnel, avec notre pays, sans même n’y être jamais venu, tombent amoureux de notre langue, au point de l’apprendre encore mieux que nous (ce qui n’est pas difficile ! ( ?) Et de la choisir pour exprimer leurs sentiments les plus profonds, leurs passions, leurs colères. Il y a bien sûr, l’irlandais Beckett, le roumain Ionesco, l’argentin Bianciotti, le russe Makine, le chinois Cheng, le belge Johnny - non, là je m’égare ! Mais avouez quand même que cet amour pour notre langue est stupéfiant. Il paraîtrait que nous passerions notre temps (dixit nos amis allemands) à dire « Oh ! La la ! » et « C’est la vie » avec des sonorités absolument craquantes. Ca, c’est pour le côté « lumière » de notre langue.
Mais il y a aussi le côté obscur, qui se révèle, tiens par exemple, dans une salle d’attente de la Préfecture de Police, où poireautent une bonne centaine de personnes. En rang et en bon ordre, car il n’est pas vrai que le Français ne sache pas faire la queue. Il suffit d’aller devant une Préfecture, côté entrée pour les cartes de séjour et/ou les permis de conduire. Queue il y a et longue et sage et patiente. Nous patientons donc toutes et tous dans le calme et le silence, sauf une personne. Une seule. Un olibrius qui parle au téléphone ou plutôt qui hurle dans son portable pensant sans doute que le fait de parler si fort porterait ses mots plus loin. Ou plus simplement, grossier et se foutant complètement de ses voisins, c’est-à-dire nous tous. Personne ne moufte. Ca dure. Jusqu’au moment où une jeune femme assise à côté, lui dit calmement : «  Pourriez-vous parler moins fort ? Vous n’êtes pas tout seul ». Et elle avait bien raison. Mais l’ectoplasme ne l’entendit pas de cette oreille et se mit à l’insulter : « Qu’est-ce tu me veux ? Ca te dérange ? Eh ! bien je m’en bats les couilles ». La jeune femme essaya de rétorquer mais l’autre de continuer : « Mais j’ te nique la gueule. Vous êtes tous là, en silence, on dirait des morts. Personne ne parle. Vous êtes des allemands, ou quoi ? » (Pourquoi des allemands ?) « Je m’en bats les couilles, je m’en bats les couilles » (bis repetita, une dizaine de fois). Nous étions tous, une bonne centaine de personnes, stupéfaits, sans voix. Tellement sans voix que personne ne bougea. Même pas les fonctionnaires derrière leurs guichets ; nous étions pourtant à la Préfecture de Police. Passons rapidement sur le dénouement de l’affaire: (Je suis intervenu, j’ai eu droit au « Je m’en bats les couilles », puis intervention d’une dizaine de policiers, sans doute appelés par les fonctionnaires derrière leurs guichets, était-ce vraiment nécessaire de mobiliser un demi escadron pour faire taire un avorton ? Fin de l’histoire).
Le calme revint. Nous avons débriefé entre nous. En fait, tout le monde était d’accord avec la jeune femme, mais personne n’aurait été prêt à dire ou faire quoique ce soit : « C’est comme ça aujourd’hui » « on n’est pas dans le 16ème » « Qu’est-ce qu’on peut y faire ? »
Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Quand on est cent contre un, peut-être ouvrir sa gueule, calmement, pour faire respecter les droits de tous contre les débordements d’un seul. Quand une personne exprime avec courage l’opinion de tous, se montrer solidaire. Quand on est fonctionnaire à la Préfecture de Police, peut-être être capable d’autorité, sans avoir besoin de mobiliser dix policiers, parce que sinon, face à un groupe, faut-il faire sortir une caserne ? Etre capable d’imposer le respect.
Respect, voilà le maître mot. Cela s’apprend dans la famille, à l’école, certains disent même : « Tout se joue vers 5 ans ». 5 ans. En Allemagne, justement, les maternelles ne cherchent pas à « instruire » les enfants  contrairement à chez nous où nous voulons tous que nos enfants sachent lire et écrire peut-être pas à 6 mois mais en tout cas à 3 ou 4 ans. En Allemagne, l’on pense que ce n’est pas la peine de se presser, que l’on peut attendre 6 ans et qu’alors un enfant apprend à lire et à écrire en quelques mois. Et avant ? Eh! bien, avant, on lui apprend à se socialiser, à vivre en communauté, à penser « groupe » plutôt qu’individu, on lui apprend le respect des autres. Un conditionnement au « Vivre ensemble » qui passe avant d’autres apprentissages.
Il n’y a pas que sur le plan économique que nous pourrions apprendre des allemands.
Pour en revenir au lascar de l’histoire, précisons qu’il n’était pas un caillera basané et que la jeune femme n’était pas une bourge céfran chichi proutprout du 16ème arrondissement. Il n’était donc pas question de cités contre beaux quartiers, « djeuns » contre « vieux », issus de l’immigration contre français « de souche ». Mais simplement d’éducation. Lui n’avait appris ni le respect, ni les niveaux de langue. Il n’en maîtrisait qu’un seul. Or lorsqu’on reste au niveau des couilles, ça ne pisse pas très loin. Ni pour chercher du boulot, ni pour demander son permis de conduire, ni pour « lever » des meufs, ni pour ne pas lever la main sur sa femme ou ses enfants, quant aux relations avec les autres, en société, dur, dur…
« Je m’en bats les couilles »… Au fait, ça fait mal ?
Nous vivons une e-poque formidable.

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