Mathieu Gallet en gravure de mode |
Pour être
franc(s), et c’est le comble pour une entreprise qui est un des fleurons en
matière de communication, on n’y comprend pas grand-chose dans la grève sans fin
qui paralyse toutes les antennes de Radio France.
Depuis
quelques semaines, son PDG est devenu la cible de toutes les attaques, l’objet
de toutes les révélations. Et en dehors de Frédéric Mitterrand, qui l’avait en
quelque sorte découvert quand il était ministre de la Culture, pas grand monde
n’a pris sa défense.
Il y a
l’histoire de la luxueuse voiture de fonction, celle de la rénovation du
bureau, des bureaux, refaits pour 80-100 000 €. Bien sûr, ça fait tâche,
surtout sur une moquette -LOL!-. Non je voulais dire: surtout lorsque l’heure est au
serrage de ceintures et à 200, 300
« départs volontaires ».
Il y a
également les conseillers en communication, contractés à l’extérieur pour 100
000 € ? Là, c’est vrai qu’on
se pince ; Mais qui a donc conseillé à Mathieu Gallet de se prendre des
conseillers en com’, dans une maison qui regorge de spécialistes de la
com’ ? En plus, quand on voit le cafouillis actuel, on espère que ces
conseillers rembourseront Radio France.
Mais comment
celui qui était paré de toutes les qualités et de toutes les vertus, est-il
devenu un incompétent sans expérience, en quelques semaines seulement?
Et certains de
dire: C’est une erreur de casting du CSA (et tac, on tape sur l’indépendance
très récente de cette autorité de l’audiovisuelle), c’est le fait du Prince (et
tac, on tape sur l’ancien ministre de la Culture de Nicolas Sarkozy). Devant le
CSA, il paraît qu’il a été brillantissime, plus que tous les autres candidats.
Il aurait fait l’unanimité, pas une voix contre : Parmi les membres de ce
conseil, des journalistes que je connais - Laborde, Kelly, Mémona Hintermann - dont j’imagine mal qu’elles auraient fermé leurs gueules si le
candidat Gallet avait été pistonné ou pas à la hauteur.
Et puis,
surtout le comble : « Il est
trop jeune, il n’a pas d’expérience ». Ca veut dire quoi, trop
jeune ? Matteo Renzi est devenu Président du Conseil italien à 39 ans,
Tony Blair à 43. Et puis, combien de vieux routiers des medias, des cabinets
ministériels ont été nommés ou dirigent encore des entreprises publiques où ils
se sont révélés totalement incompétents ? Allez on cite Corneille :
« Je suis jeune, il est vrai, mais
aux âmes bien nées, La valeur n'attend point le nombre des années ».
Je ne connais pas
Mathieu Gallet, mais j’avais suivi son parcours après sa difficile nomination à
la tête de l’INA, en 2010. On disait déjà: Il est trop jeune, c’est un
parachuté à la tête d’une institution ingérable. Et puis. Et puis, ça a marché
et bien marché. Apparemment, il a su établir le dialogue avec les syndicats et
les salariés de l’INA. Il a modernisé cette société publique, conservatoire de notre
mémoire audiovisuelle. Il a notamment largement ouvert ses formidables trésors
au grand public, et à la consultation par internet. En moins de 4 ans :
bravo, non ?
Alors, même
brève, son expérience parlait en sa faveur.
Et depuis un
an, c’était l’unanimité: Une directrice a été nommée à la tête de France Inter,
une femme, c’est suffisamment rare pour être salué ; Un ancien confrère d’Europe
1, Laurent Guimier , connu pour son efficacité et son professionnalisme, a été
nommé lui, à la tête de France Info. Et là aussi, bonne pioche puisque les
premières campagnes d’audience montraient une remontée. Et en novembre dernier,
tout le gratin de la culture et du gouvernement se pressait pour l’inauguration
du nouvel auditorium de Radio France, où pouvaient enfin se produire après des
années d’errance, les deux Orchestres maison; A l’époque, personne ne parlait
du coût des boiseries ou des moquettes.
Et puis ?
Et puis, du jour au lendemain, le petit génie est devenu le pire des cancres.
Parce
qu’entretemps, a commencé à filtrer le plan d’austérité draconien imposé à
Radio France. En clair, des centaines de personnes vont se retrouver à Pôle Emploi,
ou en pré-retraite. Cela n’est pas une découverte. Et c’est là peut-être où
Mathieu Gallet et son équipe de DRH ont sans doute été trop technocrates. Au
lieu de cultiver son image de bogosse intelligent, dialoguant avec les plus
grands patrons aux entretiens de l’Université d’été du MEDEF à HEC, Mathieu
Gallet aurait sans doute mieux fait de virer la cravate, de tomber la veste
afin de retrousser ses manches. Parce que négocier la fin de toute une vie
professionnelle, avec des personnes qui ont consacré leur vie à une entreprise
et une belle entreprise, comme Radio France, cela suppose de se montrer à
l’écoute, de ne pas donner l’impression de n’être qu’un technocrate brillant
mais insensible. Après tout n’est-ce pas ce genre de comportement, typique de
la technocratie à la française - je suis
le plus brillant d’entre tous – je suis le meilleur d’entre nous – qui
avait mis la France dans les rues contre Alain Juppé en 1997 ? Et c’est
sans doute ce qui explique que depuis trois semaines, il paraisse si difficile
de renouer le dialogue entre direction et personnel de Radio France.
La grève
finira bien par s’arrêter. Et Mathieu Gallet restera sans doute.
Mais quel
dommage, et quel gâchis. Et si Mathieu Gallet a des torts (voire plus haut),
toutes ces attaques contre lui, souvent personnelles, souvent pleines de
sous-entendus et de non-dits sur de supposés pistonnages, sont tellement
concentrées et soudaines qu’elles en sont suspectes : « Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il
a la rage ».
Toutes ces
« révélations » ne
servent-elles pas à faire oublier le principal responsable, le « Deus ex
machina » de Radio France: Le gouvernement, la « tutelle », ceux
qui tiennent les cordons de la bourse. Fleur Pellerin demande des économies, réduit
les dotations budgétaires, mais ce n’est pas elle, ni Emmanuel Macron, ni
Michel Sapin, ni Manuel Valls, qui vont l’expliquer au personnel de
Radio-France : Quel courage !
Nous vivons un
e-poque formidable.
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