A force de tendre
son micro à n’importe qui, sur n’importe quel sujet, surtout lorsqu’ils sont en
promo pour leurs derniers CD, on en arrive à n’importe quoi.. Comme Booba, ces derniers jours... Tiens , personne
n’a songé à demander à Booba ce qu’il pensait du copilote fou de l’Airbus
A-320 ? Ou de la disparition des ours polaires ? Ou du nouveau découpages des régions en France ?
Booba – Booba, vous savez? oui ? non ? C’est Elie Yaffa- mais Elie Yaffa comme nom de scène, ça ne le
fait pas, donc, Booba, est un rappeur hyper bodybuildé et hyper tatoué – pardon pour le pléonasme – fait le buzz en
déclarant à propos de la boucherie à Charlie Hebdo, qu’il n’était ni Charlie,
ni pas Charlie, mais qu’à force de jouer avec des allumettes, fallait pas
s’étonner de se brûler".
On touche le
fond, bien sûr.
Merci d’ailleurs au Petit Journal de Yann Barthès d’avoir fait les recensement
des Unes de Charlie sur la dernière année : Une seule sur des musulmans intégristes, une sur
des rabbins, 5 ou dix sur les cathos, une quinzaine sur Sarko…. Ce n’est pas
comme si toutes semaines, Charlie avait joué avec les allumettes de
l’intégrisme musulman. Et d’ailleurs est-ce la peine d’épiloguer sur ce point.
Les polémiques d’après massacre, et je pense à Wolinski, à Maris, à toutes les
victimes, celles de l’hyper
cacher, donnent juste l’envie de gerber, pas de clasher…
Mais qui est
le plus responsable : Booba ? Qui est en pleine promo, et qui
fonctionne par « clash » ?
Ou les medias
qui eux aussi fonctionnent par clash, y compris dans le domaine
politique ? La petite phrase de Mélenchon contre celle de Valls. La
saillie de Dufflot contre celle de Royal. Nous tendons nos micros à Booba et
l’interrogeons sur n’importe quoi. On est dans le
degré zéro de l’info, mais nous les journalistes, nous en redemandons. Alors ne
nous étonnons pas si ensuite, le public nous demande des comptes.
Faut que ça
saigne, comme lorsque des fans de Rohff
bastonnent un vendeur d’une boutique de vêtements de Booba. Ca fait la Une des faits divers, et nous pensons :
« Ah ! Putain, ces blacks, des rebeus,
dès qu’ils ont du fric, ils ne sont pas gérables ». Mais, en fait
derrière cette écume, il y a du flouze, du pèze, de la maille, de la thune, du
fric à faire …
En ce qui
concerne Booba, il est vachement pertinent de lui demander ce qu’il pense de
la situation en France, lui qui profite du fric qu'il fait sur ses fans de banlieues pour se la couler douce à Miami Beach.
A la rigueur,
on pourrait lui demander ce qu’il pense, des effets de la créatine pour la
gonflette de pecs et des biceps. Ou alors, allez, du lourd : Que
pense-t-il de la Présidence Obama ? Qui n’a toujours pas fait fermer le
camp de Guantanamo ? Lui, le premier Président noir, qui se montre incapable de mettre au pas une
police qui quand elle interpelle un jeune noir, préfère tirer avant de
parler ?
On pourrait
l’interroger sur Billie Holliday
dont on fête le centième anniversaire et de sa chanson « Strange fruit». Les fruits dont
elle parle, ce sont les cadavres de noirs lynchés par le Ku Klux Klan et pendus
sur des arbres à l’entrée des villages du sud des Etats-Unis. Strange
fruit: Le rappeur Kanye West - même
s’il est mégalo, il est loin d’être un con inculte- y fait référence dans une de ses
dernières chansons « New Slaves»,
en répétant » I see blood on the
leaves « « Je vois le
sang couler sur les feuilles ».
Mais pour cela
il faudrait à la fois de la part de personne interviewée, et de la part du
journaliste, un minimum de
culture, de curiosité.
A la longue ce fonctionnement par clash, nous discréditera nous les
journalistes. Et alors, ne venons pas nous plaindre : « I see blood on the
leaves »…Plutôt que Booba, je vais ré-écouter Kanyee West ou
Billie Holliday. Eux, ils fendent notre âme !
Nous vivons un
e-poque formidable.
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Stange
fruit : Billie Holliday : https://youtu.be/pD2evtQP8ps
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