Le 25 juillet dernier le blogodo
publiait un papier sur « Grains de ferme », un simple hangar dans une
commune de la grande périphérie lyonnaise transformé par une vingtaine d’agriculteurs
en lieu de vente directe. Une des membres de cette coopérative de vente a réagi
à l’article. Elle a envoyé deux lettres, l’une manuscrite, l’autre à l’ordinateur,
dont voici les principaux extraits, inchangés, à la virgule près, car l’orthographe
est précise, la langue de qualité, la réflexion, profonde. Elles sont signées :
Patricia F., éleveuse de vaches
laitières et fromagères, de mères en filles, depuis … toujours :
« Eté oblige, extrêmement fatiguée, je tape le reste de mon écrit
sur l’ordinateur, mais, il vous est bien adressé.
23h, mon mari n’est pas encore rentré du travail, car il sême.
C’est l’heure,
C’est le moment,
La terre est un peu fraîche, mais pas trop.
Juste ce qu’il faut.
(Enfin, c’est ce que l’on s’imagine,
En évaluant, également, les futurs millimètres (sous-entendu :
« de pluie »), à venir)
Parfois, si on réfléchit trop et si l’on est mélancolique,
On se demande :
Si cette vie de paysans ne serait pas un « sacrifice
judéo-chrétien »,
Ou bien, si son sens réside ailleurs … ?
Est-ce de la liberté ? Ou bien de l’enchaînement ? Ou bien de
l’enchaînement menant à de la liberté ?
Toutes ces questions, on se les pose tous les jours…
23h30, j’attends toujours,
mais paisiblement.
Est-ce possible ?
Oui !
Peut-être,
Parce que, enfant, je me suis levée la nuit, et que j’ai vu ma mère,
attendre mon père,
Paisiblement,
Parce que c’était l’heure,
L’heure de ce Dieu « Nature » ».
Cette lettre est arrivée ces
derniers jours dans une enveloppe avec l’adresse écrite d’une belle écriture
ronde et régulière. A l’intérieur, deux lettres : La première manuscrite,
celle qui précède.
La seconde écrite à
l’ordinateur.
Ce sont des réactions à un
article du blogodo sur les stratégies développées par certains agriculteurs qui
ont développé une filière courte, de la vente directe pour les consommateurs
plutôt aisés de l’Ouest lyonnais.
Leur point de vente coopératif
s’appelle « Grains de ferme » et sa gestion et sa survie ne sont pas
un long fleuve tranquille. Mais, ça marche.
En voici encore quelques
extraits qui montrent dans un style et une langue d’une grande beauté et d’une
infinie pudeur, qu’être paysan dans la France d’aujourd’hui ne relève pas du
seul calcul économique !
« (…) Bien sûr qu’être paysan à notre époque n’a rien d’anodin :
qui aurait l’idée de choisir ce métier d’un autre temps,
ce temps de la lenteur, de la patience, de l’humilité, de l’histoire,
de la mémoire, de la primalité, de la sensorialité ?
Avec mon mari, nous avons repris notre ferme, il y a 10 ans, dans ces
chers Monts du Lyonnais.
L’agriculture de ces Monts est passée par plusieurs étapes :
- d’une agriculture purement vivrière, avec cette tradition et toutes
ces choses qui ne se transmettent que par bain culturel, cet inexprimable
héritage paysan global.
-à une phase d’intensification, avant notre arrivée, qui a duré 20 ans,
avec des pratiques dictées par une société nécessitant plus de moyens pour élever
ses enfants, et, aussi avec cette génération de paysans, ne rêvant plus que
d’une chose pour leurs enfants :
- un seul agriculteur par génération
-pour tous les autres enfants : une promotion sociale – sortir de
cette condition agricole, jusque là, peut-être, pas assez choisie.
Ce métier était dur pour nos pères et mères,
Il est dur pour nous aussi.
Mais cette passion folle nous fait nous lever tous les jours, et nous
rappeler que notre place sur la terre est bien là où on est : à gratter
nos champs et « aux culs de nos bêtes ».
Ce projet de (coopérative de vente directe) « Grains de
ferme », c’est notre bébé : nous l’avons conscientisé et verbalisé en
décembre 2003, puis nous l’avons pensé, travaillé.
La moitié des personnes participantes au projet au départ, a abandonné.
Mais, avril 2008, les porte de notre « deuxième chez nous » s’ouvre,
et : « Qu’est-ce qu’il est beau, notre « Grains de
ferme » ! Il est nous ! »
Je chéris cet endroit car il me prolonge.
Je souhaite que l’avenir des agriculteurs puisse être, quelque soient
les débouchés, dans l’équitabilité, si nous voulons continuer à maintenir des
pratiques des plus traditionnelles et des plus durables possibles…
(…)
No comment et merci !
Nous vivons une e-poque
formidable !
Crise de l’agriculture : Une lettre signée Patricia F., éleveuse de vaches laitières et fromagères, de mères en
filles, depuis … toujours.
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