Les JO de Rio se sont achevés comme ils avaient commencé,
par une fête aux accents de Carnaval, Brésil oblige. Et n’en déplaise à ceux
qui prévoyaient une catastrophe, tout s’est bien passé. La fête du sport a été
réussie, la sécurité a été assurée, avec la mobilisation de dizaines de
milliers de policiers et de soldats, les équipements ont été prêts à temps, ou
presque, même s‘il a fallu en terminer certains jusque dans les dernières
minutes. Là aussi, Brésil oblige!
Cela n’aura été une surprise que pour ceux qui n’avaient du
Brésil qu’une (mé)connaissance faite de clichés tropicaux: Car quelque soient
les difficultés qu’il traverse, le Brésil n’est pas un pays anecdotique, ce
n’est plus un pays de seconde zone. C’est un des géants de notre monde, la
septième ou huitième économie de la planète. Comme le formulait l’ancien
Président Fernando Henrique Cardoso, ancien enseignant à l’Ecole de Hautes
Etudes en Sciences Sociales à Paris, social-démocrate, véritable artisan de la
démocratisation et du décollage du modèle économique brésilien, avant
Lula : « Le Brésil n’est pas un
pays pauvre, c’est un pays injuste ». Et c’est cette dure réalité que
les brésiliens retrouvent, à peine la flamme olympique éteinte.
Pendant les JO, les juges anti-corruption de l’opération "lava jato", "lavage au karcher",n’ont pas suspendu leur travail. Plusieurs
politiques de premier plan ont été mis en examen, d’autres contraints à la
démission comme Eduardo Cunha, Président de l’Assemblée Nationale, artisan de
la destitution de la Présidente Dilma Rousseff. Il risque la prison.
L’étau se ressert aussi autour de l’ancien Président Lula.
Il a beau être populaire et charismatique, il semble bien avoir trempé dans la
gigantesque affaire de corruption liée à Petrobras, l’entreprise nationale de
pétrole. Au total, ce sont des dizaines, voire des centaines d’élus qui
risquent le même sort, toutes étiquettes politiques confondues.
Le paradoxe est qu’une des moins corrompues semble être
Dilma Rousseff, la Présidente suspendue. Il lui est reproché d’avoir maquillé
les comptes de l’Etat pour favoriser sa réélection il y a deux ans. En fait
elle paie à la fois la mise en cause pour corruption de nombreux de ses amis
politiques et son incapacité à relancer l’économie du pays en pleine récession.
Et elle a beau crier au « coup d’état », message relayé en France par
une partie d’une presse restée aux années 1970, aux heures de la dictature
militaire, dans quelques jours, le Sénat devrait confirmer sa destitution
Michel Temer, l’actuel Président par intérim, essaiera alors
de tenir jusqu’aux prochaines élections prévues pour 2018. Mais il n’a ni la
légitimité du suffrage universel, ni charisme, ni popularité, et une partie de
ses soutiens politiques, ministres, députés ou sénateurs, sont déjà eux aussi
rattrapés par les juges.
Même s’il s’y refuse, nombreux sont ceux aujourd’hui au
Brésil qui réclament des élections anticipées.
Ce qui ne sortirait pas forcément le Brésil de la crise
politique: La corruption est au cœur du système électoral. Bien souvent
élections riment avec clientélisme et achats des voix. Un système aussi vieux
que la République brésilienne et qui commence à peine à être purgé par la
justice. Ce qui est nouveau cependant c’est que les brésiliens ne se laissent
plus endormir. C’est le sens de toutes ces manifestations qui se sont
multipliées non pas ces derniers mois, mais depuis plusieurs années, au moins
depuis la Coupe du monde de football il y a deux ans. Les scandales liés au
détournement d’argent dans la construction des stades et des infrastructures,
ont été le grand déclencheur. Car, pour les classes moyennes aujourd’hui
majoritaires au Brésil, la corruption est le principal frein au développement du pays.
Mettre fin à la corruption, c’est relancer la croissance. Une épreuve plus
difficile qu’un décathlon avec Kévin Mayer, un 100 mètres avec Usain Bolt, un
combat avec Teddy Riner.
Et il est bien fini le temps où la fête et le Carnaval
pouvaient faire illusion. Comme le chantaient les grands Antonio Carlos Jobim
et Vinicius de Moraes :
« Le bonheur des
pauvres est
La grande illusion du
carnaval (…)
La tristesse n’a pas
de fin,
le bonheur si ! »
Nous vivons une e-poque formidable.
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