Après les incendies de 1965 entre Bormes et la Cap Bénat |
Nous n’avons pas de mémoire. Nos sociétés n’ont pas de
mémoire, et les médias tout info, instantanés, qui enfilent les catastrophes et
les « breaking news » comme des perles, y sont pour quelque chose.
Prenez la « canicule ». C’est comme si fin août en
France, il n’avait jamais fait chaud ! Et puis comment font les 2/3 de
l’humanité qui, rappelons-le quand même, vivent dans des pays
« chauds », c’est-à-dire plus chauds qu’à Paris ou Londres ? Lorsque Christophe Colomb a découvert les Antilles, il
a décrit leur climat comme « aussi
doux qu’un printemps en Andalousie ». C’est dans ses récits de voyage.
Il faut dire que l’été en Andalousie, vers midi, on pourrait faire cuire un œuf
par terre. Sauf qu’il faudrait être fou ou touriste, pour mettre le nez dehors
entre midi et trois heures. Curieux que les andalous arrivent ainsi à vivre,
sans plan canicule ni conseils donnés par les « experts » santé ou
climat de BFM TV, Itélé, et autre LCI. Et cela n’est pas nouveau, et n’a rien à voir avec le réchauffement
climatique.
Nous manquons de perspective(s), nous manquons de culture, et
puis, nous manquons de mémoire. Tout événement nous est présenté comme
exceptionnel, hors norme, apocalyptique. Ainsi 36 ° C en Europe de l’Ouest fin
août ? Eh ! bien, si l’on réfléchit bien, en se souvenant par exemple
d’événements familiaux marquants, comme la naissance d’un de ses enfants,
eh ! bien on peut se souvenir qu’il y a 25 ans, il faisait 36 ° C à Berlin
le 24 août. Et personne sur place n’avait déclenché l’état d’urgence. Il est
vrai qu’à Berlin, en été on va se baigner, les forêts y sont nombreuses, les
lacs également et baignables! Ce qui par rapport à Paris, évidemment change
tout !
Manque de mémoire ? C’est la même chose avec les
incendies.
Il y a quelques jours ceux de Vitrolles ont été décrits
comme «apocalyptiques». Bien sûr, pour les habitants de la région, tout incendie est un cauchemar,
et la désolation continue encore longtemps après les feux. 2000, 4000 hectares
brulés, c’est toujours trop. Mais l’on oublie que c’est dix fois moins que dans
les années 1960-1990. Là aussi, il faut se souvenir en interrogeant parents,
habitants, ou ... la presse de l’époque: Qui vous rappelleront la Sainte Victoire,
massif cher au peintre Cézanne, défigurée par les incendies d’août 1989, ou
encore ceux terribles qui ravagèrent les massifs des Maures ou de l’Estérel en
1962, 1965, où 21 000 hectares partirent en fumée dans le seul département du
Var. Les nuages de fumée se voyaient depuis la presqu’île de Giens.
Mais notre pays - et c’est tant mieux - a mis le paquet sur la
prévention, la réglementation, le réseau de surveillance, les moyens de lutte contre
les incendies. Aujourd’hui, la France est plutôt un exemple au niveau mondial.
Il suffit de voir ce qui se passe chaque année de la Californie au
Portugal ! Bien sûr l’urbanisation dans des milieux fragiles - et les zones
méditerranéennes sont des milieux fragiles - accroissent les conséquences de
telle catastrophe. Mais arrêtons de penser que « nous n’avons jamais vu ça ».
Ce manque de mémoire est conforté par l’obsession des medias
d’aujourd’hui, pour le « breaking news », pour le tweet ou le
periscope envoyés, sans recul, sans discernement. Ou la peur de ne pas être les
« premiers » sur un événement. Or il est infiniment plus facile d’aller
faire « un plateau en
situation » avec des phrases du genre « Derrière moi, l’apocalypse » plutôt que de prendre le temps de
la remise en perspective, qui suppose de travailler ses dossiers, de travailler tout court.
Pourtant, n’est-ce pas cela le métier de journaliste ? Nous
donner de la mémoire, éviter que notre mémoire de citoyens soit aussi brève que
celle des poissons rouges. Plus que d’être des moulins à parole, des tuyaux à
news : Sur ces plans-là les ordinateurs nous battront bientôt.
Nous vivons une e-poque formidable.
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