L’émotion
suscitée par la mort imminente de Nelson Mandela est à la mesure du personnage.
Le leader sud-africain est une des personnalités marquantes de notre époque, de
notre monde. Son combat et celui de son peuple nous concernent et nous touchent
tous. Difficile de faire le tri parmi ses innombrables qualités : Courage,
ténacité, tolérance, humanité, pragmatisme, intelligence, un formidable
charisme. Avoir été emprisonné dann un bagne le quart de sa vie d’adulte, ne jamais
abandonner, en ressortir victorieux sans oublier mais sans haine, montrer
l’exemple en traquant la corruption jusque chez ses proches, être à ce point
démocrate qu’on ne s’accroche pas au pouvoir alors que l’on pourrait être réélu
à vie. Nelson Mandela est un tpe impeccable, zéro défaut. Et il n’est pas
honnête de vouloir amoindrir l’éloge de ses qualités en ajoutant que l’Afrique
du sud connaît des difficultés importantes se traduisant notamment par une
violence et une insécurité records ! Sous-entendu en fait : « Les
noirs ont voulu le pouvoir, ils l’ont eu, et c’était normal, mais voyez ce
qu’est devenu ce pays ! » Quelle hypocrisie ! La violence dans
les rues de Johannesbourg n’est pas plus élevée que dans celles de Rio de
Janeiro, et pourtant nous rêvons tous de Copacabana et du carnaval. Et puis,
comment aurait-il été possible de sortir d’un siècle d’aparheid en quelques
mois ? Comment était-il imaginable d’intégrer dans l’économie
sud-africaine 40 millions de noirs qui en avaient été soigneusement exclus au
profit de 4 millions de blancs ? Comment former les cadres et les élites de
demain à patir d’une population si longtemps interdite d’éducation ? Comment
apprendre la démocratie quand on sort de siècles de dictature ? Comme
réconcilier les oppresseurs, parfois même les tortionnaires, avec les oppressés
d’hier en un claquement de doigts ?
Nelson Mandela restera comme un marqueur du progrès
de nos sociétés vers plus de liberté, plus d’égalité, plus de fraternité.
Comme le fut, toutes proportions gardées, Félix
Eboué. Une de nos grandes figures, certes panthéonisée, mais trop oubliée dans
notre mémoire nationale. Ce guyanais, premier noir gouverneur de l’empire
colonial français jusqu’à devenir gouverneur général de l’Afrique équatoriale,
le premier à se rallier au général De Gaulle , le premier à faire basculer une
partie de l’empire dans le camp de la France libre, à recruter, former, armer
les premiers contingents des forces armées françaises libres, mais aussi
l’organisateur de la Conférence de Brazzaville en 1944 qui jeta les bases de ce
qui allait être la décolonisation, le haut-fonctionnaire français, admirateur
des valeurs de notre République, au nom desquelles il dénonçait la violence du
système colonial, et sans jamais oublier ses origines, lui le descendant
d’esclaves déportés d’Afrique.
Nelson Mandela aurait pu écrire le discours prononcé
par Félix Eboué en 1937 à la jeunesse de la Guadeloupe, dont il était le
premier gouverneur noir : « Jouer le jeu »[1] :
« Jouer
le jeu, c'est, par la répudiation totale des préjugés, se libérer de ce qu'une
expression moderne appelle le complexe d'infériorité. C'est aimer les hommes,
tous les hommes, et se dire qu'ils sont tous bâtis selon la commune mesure
humaine qui est faite de qualités et de défauts.(…) Jouer le jeu, c'est
respecter l'opinion d'autrui, c'est l'examiner avec objectivité et la combattre
seulement si on trouve en soi les raisons de ne pas l'admettre, mais alors le
faire courageusement et au grand jour.
Jouer le jeu,
c'est respecter nos valeurs nationales, les aimer, les servir avec passion,
avec intelligence, vivre et mourir pour elles, tout en admettant qu'au delà de
nos frontières, d'authentiques valeurs sont également dignes de notre estime,
de notre respect. C’est (…) comprendre alors que tous les hommes sont frères et
relèvent de notre amour et de notre pitié.(…) C'est trouver autant d'agrément à
l'audition d'un chant populaire qu'aux savantes compositions musicales. C'est
s'élever si haut que l'on se trouve partout à son aise, dans les somptueux
palais comme dans la modeste chaumière de l'homme du peuple; c'est ne pas voir
un excès d'honneur quand on est admis là, et ne pas se sentir gêné quand on est
accueilli ici; c'est attribuer la même valeur spirituelle au protocole
officiel, à l'académisme, qu'au geste si touchant par quoi la paysanne
guadeloupéenne vous offre, accompagnée du plus exquis des sourires, l'humble
fleur des champs, son seul bien, qu'elle est allée cueillir à votre intention. »
Eboué-Mandela : même combat !
Nous
vivons une e-poque formidable !
[1] « Jouer
le jeu », lire le texte intégral par xeemple dans : http://halleyjc.blog.lemonde.fr/2008/12/28/jouer-le-jeu-felix-eboue-compagnon-de-la-liberation-discours-prononce-a-la-distribution-des-prix-du-lycee-carnot-a-pointe-a-pitre-le-1er-juillet-1937/
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