Direct depuis la porte de Brandebourg... quelle Histoire ! |
Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
Tout est allé très vite.
Une fois le mur ouvert, tout s’est enchaîné, prenant de court les dirigeants politiques de l’Est comme de l’Ouest jusqu’à la chute du régime communiste, et la réunification.
Début décembre 89, certains pensaient encore qu’il y aurait deux Etats allemands qui se rapprocheraient progressivement. Les militants des droits de l’Homme, plutôt de gauche, qui s’étaient battu contre le régime, notamment autour de pasteurs protestants à Dresde, à Berlin, croyaient que leur pays, la RDA, créerait une troisième voie entre communisme et capitalisme.
Mais fin décembre, tout était réglé.
En fait notre société de consommation ne fit qu’une bouchée de la société est-allemande. En caricaturant, c’est le pouvoir d’attraction des bananes – ce fruit symbolisait pour les allemands de l’Est où il était très rare, le luxe et l’opulence - qui a fait tomber le communisme. A tel point que les allemands de l’Ouest se mirent à baptiser l’Allemagne de l’Est « Bananenrepublik » un jeu de mots pas très sympa entre République bananière et République des Bananes.
Le 19 décembre 89, quand le chancelier Helmut Kohl s’est rendu pour la première fois en RDA, à Dresde, la foule ne scandait plus Wir sind das Volk, mais Wir sind ein Volk. Nous sommes un seul peuple, et : Nous voulons le Deutschmark !
C’est là devant une foule immense au milieu des ruines de l’Eglise Notre-Dame qu’Helmut Kohl et ses conseillers ont réalisé qu’il n’y avait plus qu’un scénario possible : La réunification.
Berlin-Ouest était jusque là enfermée par ce mur qui non seulement la séparait de Berlin-Est mais également du reste de son arrière pays, le Brandebourg. Le mur passait au milieu des lacs, des rivières, des forêts. Très vite au printemps nous avons pu circuler de plus en plus librement, aller passer le dimanche au bord d’un des innombrables lacs du Mecklembourg, assister à un concert un soir dans les jardins des châteaux de Postdam. Rendre visite à des amis est-allemands dans leur « datcha », un petit chalet sans eau ni électricité, au milieu des pins, qui était un des rares petits luxes de beaucoup d’allemands de l’est, leur jardin secret où ils se retrouvaient en famille ou entre amis très proches .
Au début les garde-frontières nous contrôlaient encore. A partir de l’été, c’est à peine s’ils regardaient nos passeports.
Et puis ce sont les Audi et Mercédès qui ont remplacé les Trabant.
Et puis les magasins à l’est qui ont commencé à fermer puis à rouvrir sous les couleurs d’enseignes ouest-allemandes,
Et puis ce sont les produits est-allemands qui ont disparu d’un coup , et puis nous nous sommes aperçus que c’est un pays entier qui avait disparu.
La Pologne, la Hongrie, même la Tchécoslovaquie qui s’est divisée, sont restés des pays. La RDA doit être le seul cas dans l’histoire récente d’un pays qui disparaît totalement.
30 ans plus tard, je suis bluffé par la manière dont l’Allemagne de l’Est a été transformée. Partout les routes ont été reconstruites, la fibre optique, les éoliennes et le solaire, tous les bâtiments ont été restaurés ou reconstruits superbement.
Dresde, qui était encore un champ de ruines il y a 30 ans, Weimar, Schwerin, les stations balnéaires de la côte Baltique sont devenues des villes superbes.
Et c’est chaque fois une émotion intense de revenir à Berlin. Se balader Place de Paris devant la porte de Brandebourg qui a retrouvé sa fonction de Porte alors que je l’avais connu isolée au milieu du no man’s land. Se promener le long de la Spree entre la nouvelle chancellerie et le vieil hôpital de la Charité jusqu’à l’île aux musées. A chaque fois, on se pince : Le mur passait là, et ici , et là encore.
Se promener jusqu’à la grande synagogue de la rue Oranienburg, incendiée par les SA pendant la nuit de cristal de 1938. Un 9 novembre, quelle ironie de l’Histoire. Vergesst es nie. N’oublie jamais est-il inscrit sur la façade. Un peu plus loin toujours dans le vieux Berlin qui se situait côté est, la rue Sophie et cet immeuble laissé détruit et à la place des appartements , des plaques qui rappellent qu’ici habitait telle famille- juive- déportée en 1940, là telle autre, disparue en 1941, avec leurs noms, le nom des enfants.
Partout à Berlin on se heurte à l’Histoire, heureuse comme la chute du mur, tragique comme le nazisme, l’holocauste, la guerre.
Quand on a partagé ces moments d’Histoire avec les berlinois, avec les allemands, il est difficile de ne pas conserver « einen Koffer in Berlin », une valise à Berlin. Comme le chantait Marlene Dietrich
« J'ai encore une valise à Berlin,
c'est pour ça que j'y retournerai bientôt.
Dans ma petite valise, il y a
toutes les nostalgies des temps passés ».
Et l’on écoute Marlene Dietrich…
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